TERRITOIRE DE TOUS
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication facilitent la participations aux projets d’urbanisme en Angleterre.
PARTICIPATION, MOTEUR... ACTION!
par Stéphane Sadoux
...action!Expositions itinérantes, journées d’information, débats publics, distribution de prospectus…sont autant d’outils régulièrement mis au service de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire afin de susciter l’intérêt des populations locales trop souvent en retrait. S’il en est ainsi, c’est sans doute parce que dans la plupart des cas, les pouvoirs publics agissent en tant qu’informateurs, les populations en tant qu’informées : dans ce cas de figure, les habitants ont fréquemment l’impression que leur avis n’est pas pris en compte et qu’on leur présente un projet sur lequel il leur sera difficile d’influer.
Bien sur, la consultation offre aux autorités locales et régionales la possibilité de ‘prendre la température’, mais les conclusions tirées de ces exercices reflètent-elles la réalité du terrain ?
Rien n’est moins sûr. Les limites des méthodes ‘traditionnelles’ de participation citées plus haut sont bien connues. Les associations présentes lors de débats publics sont souvent celles qui disposent non seulement de resources humaines et financières suffisantes, mais aussi et par-dessus tout des compétences essentielles à toute action participative. Parmi celles-ci, l’on peut notamment citer la capacité à s’organiser. En d’autres termes, il s’agit le plus souvent des lobbys les plus influents au moment où la consultation a lieu.
Je réalise mon film.S’il n’est en aucun cas question de remettre en question la bonne volonté de ces organisations et leur travail acharné, force est de constater que de tels acteurs ne peuvent être considérés comme représentatifs de l’intérêt général et encore moins de la population locale. Car loin des réunions et des débats houleux, les communautés les plus démunies sont rarement entendues.
Il existe pourtant d’autres techniques participatives qui, justement, permettent de féderer ces acteurs défavorisés et de faire de la participation un processus proactif, collaboratif et bottom-up. En ce début de 21ème siècle, les nouvelles technologies ont fait leur entrée dans le monde de l’urbanisme et de l’aménagement.
La production d’images de synthèse en trois dimensions sont régulièrement mises au service de projets portant, par exemple, sur la requalification d’un quartier : les personnes souhaitant s’informer peuvent, grâce à ces outils, se représenter les transformations dont leur environnement feront sans doute l’objet.
Mais une fois encore, il s’agit ici d’une situation qui place les autorités en position d’informateurs, la population en position d’informée.

Favoriser l’accès à l’information…
Qui a dit qu’il fallait être majeur pour être ingénieur du son ? Certainement pas cette fillette.Lancé au début des années 2000, le programme Planning Portal (1), subventionné par le gouvernement britannique, représente à bien des égards une amélioration de cette situation puisqu’il a permi la mise en ligne d’un éventail de services d’urbanisme dont la consultation de plans locaux grâce à un simple navigateur internet. L’argument qui sous-tend ce projet est simple : plus une personne ou un groupe s’implique tôt dans un processus participatif, plus la participation est efficace. Un habitant qui, à l’écart des grandes réunions, peut prendre le temps de s’informer sur la situation locale, sera sans doute davantage incité à s’impliquer dans de futures consultations. Mais le web n’est pas le seul à offrir de nouvelles opportunités.

…et encourager l’implication des citoyens
Le camescope qui rapproche les générations ?S’il est un outil, qui, parmi les nouvelles technologies, encourage l’implication du plus grand nombre, c’est bien la vidéo. L’idée selon laquelle toute forme de planification urbaine ou territoriale doit être précédée d’une enquête approfondie n’est pas nouvelle : l’urbaniste doit connaître son terrain et les différentes personnes qui le peuplent. Certaines des ces caractéristiques locales sont facilement identifiables, mais il est souvent difficile pour l’urbaniste de rencontrer certains groupes pour qui la participation reste synonyme de processus fastidieux, de jargon souvent trop technique et d’une incapacité à réellement prendre en compte la réalité du terrain. Le point de vue de ces communautés a finalement peu de chance de remonter jusqu’aux autorités et aux urbanistes.

La vidéo au service de la participation
C’est précisemment cette tendance que Mark Saunders et ses co-équipiers cherchent à inverser. Le nom de « Spectacle » (2) ne vous dit peut-être rien. Basé à Londres mais opérant dans toute l’Europe et au-delà, ses productions audiovisuelles ont pourtant fait l’objet de diffusions sur des chaines nationales européennes, dont Channel Four ou Arte. L’objectif de cet organisme est simple : faire des groupes les plus démunis des acteurs aptes à participer et à influer sur les décisions locales.
Est-ce que je peux poser une question?Spectacle est donc une sorte de catalyseur : en formant les habitants au maniement d’outils numériques, elle contribue à faire d’elles des groupes capables de documenter leur point de vue « en images » et d’utiliser les données accumulées pour faire valoir leurs droits. Le travail d’organisation requis pour la production de courts métrages ou de documentaires est tel que la vidéo devient rapidement une «bonne raison » de mutualiser les ressources d’un quartier et de collaborer avec d’autres résidents – le camescope suscite l’intérêt des habitants et des passants, générant ainsi de nouvelles rencontres. Car la phase de documentation des problèmes locaux repose principalement sur le caractère aléatoire de ces rencontres et de ces entretiens au sein d’un quartier : une fois formés, ce sont les résidents eux-mêmes qui sillonnent les rues et les allées de manière à recueillir un échantillon représentatif des nombreux intérêts locaux. Peu importe l’âge, la religion ou la couleur de peau. L’objectif de ces actions est clair et non dissimulé : il s’agit notamment de rendre possible des discussions entre des personnes et des groupes qui, au quotidien, ne se fréquentent pas. Il est également question de « recruter » des participants sur le terrain, en encourageant des personnes en retrait à s’impliquer dans les projets locaux et à devenir des personnes resources. Une langue étrangère est un obstacle à l’intégration ? Spectacle s’attache encore une fois à renverser la tendance et la considère comme un atout : un projet en cours à Bruxelles (3) rassemble ainsi des acteurs parlant dix-sept langues étrangères, permettant ainsi au groups de travail s’atteindre un plus grand nombre de personnes.

La vidéo comme porte d’entrée ?
ark Saunders (à gauche), formant de jeunes habitants d’un quartier à la prise de son et d’image.Dans le cadre d’un projet de quartier, la présence de caméras permet souvent aux résidents d’organiser des rencontres ou des entretiens avec les pouvoirs publics – chose qu’ils peinaient à mettre en place auparavant. Mais si la présence de caméras facilite de telles rencontres, elle permet également aux communautés de garder une trace des discussions et des négociations. Sans pour autant suggérer que les pouvoirs publics fassent preuvent de subjectivité ou de mauvaise foi, force est de constater que les compte rendus de réunions et de débats sont habituellement produits et conservés par les municipalités ou autres autorités publiques. N’est-il pas raisonnable de suggérer que les communautés sont elles aussi capables de s’aquitter d’une telle tâche ? N’est-il pas temps de reconnaître que les promesses faites à ces communautés sont trop souvent verbales et qu’il serait judicieux d’en conserver la trace ? Documenter et archiver l’évolution d’un débat semble en ce sens offrir innovante.

Médiatiser et rassembler
Qu’ils prennent la forme de court métrages ou de documentaires, les productions audiovisuelles générées par des communautés locales font fréquemment l’objet de projections, qu’il s’agisse de séances organisées à l’échelle d’un quartier, d’une ville ou, parfois, dans le cadre de festivals. Une fois encore, la vidéo fédère : attirés par de tels événements, les populations habituellement isolées sont encouragées à s’impliquer et prennent part dans les débats qui s’ensuivent.

La vidéo au service de l’éducation et de la formation ?
S’il est clair que la vidéo offre un outil pertinent en matière de participation, il faut admettre qu’elle permet également de progresser en matière d’enseignement et de formation. Quoi de mieux pour un étudiant en urbanisme, en aménagement ou en architecture, d’avoir accès à de tels ressources audio-visuelles ? Si l’on part du principe que la participation doit se faire en amont d’un projet, n’est-il pas raisonnable de suggérer qu’il faut, dans la mesure du possible, permettre aux étudiants de se familiariser avec les réalités du terrain aussi tôt que possible et pas seulement par la simple parole de leurs enseignants ? Et à l’inverse, n’est-il pas raisonnable de permettre aux étudiants d’utiliser l’outil qu’est la vidéo dans leurs travaux de restitution, lors de voyage d’étude ou d’enquêtes de terrain par exemple ? Des expériences récentes menées au sein de l’Institut d’Urbanisme de Grenoble, en partenariat avec la Plateforme Multimédia de l’Université Grenoble 2 ont démontré l’intérêt d’une telle approche.

Un seul problème substiste : cet outil est efficace, mais il peut déranger. Sorte de poil à gratter, il affiche sans complexe des réalités qui ne sont pas toujours bonnes à dire…


Notes:

(1) www.planningportal.gov.uk
Programme gouvernemental, en collaboration avec le Planning Inspectorate, IBM et Cap Gemini.

(2) www.spectacle.co.uk
Parmi les projets auxquels Spectacle participe actuellement, l’on peut citer l’initiative APANGO mise en oeuvre dans le cadre des programmes INTERREG IIIB de la Commission Européenne. Visant à documenter et améliorer la participation des associations dans les processus d’urbanisme dans plusieurs pays européens dont l’Angleterre, la Belgique et la France, ce projet est dirigé par la Town and Country Planning Association, Londres (www.tcpa.org.uk et www.apango.net).

(3) Projet Ixelles, plus d’infos sur www.spectacle.co.uk.
   
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