CONSEGUENZE E PROSPETTIVE
Les interactions entre risques et durabilité sont complexes et ne sont pas forcément explicites: elles dépendent de multiples échelles territoriales confrontant alors pour l’essentiel des stratégies d’acteurs - porteurs des décisions ou du savoir technique - distinctes
RISQUES NATURELS ET DEVELOPPEMENT DURABLE
par Lauren Andreis et Géraldine Strapazzon
Grenoble.Risques majeurs et développement durable occupent aujourd'hui une part prédominante dans les discours et les champs d'action des politiques publiques. La caractérisation et la gestion du croisement d'un aléa et d'enjeux socio-économiques assortis d'une certaine vulnérabilité d'une part, et la prise en compte du devenir environnemental, économique et social d'un territoire et de sa population d'autre part, semblent constituer deux préoccupations contiguës. En ce sens, il apparair opportun d'établir et de questionner la conjugaison possible entre risque majeur et développement durable.
Ce lien est au moins de trois natures différentes: épistémologique, technique et communicationnel. D'abord, les contenus épistémologiques des deux termes sont proches : portés par les revendications écologistes, les thématiques du risque et de la durabilité emergent conjointement, préfigurant leur usage conternporain. Ensuite, les réglementations récentes, tout comme les démarches d'aménagement, tendent à associer de fait ces deux approches. Enfin, le risque, tout comme le développement durable, s'apparente à des objets de discours, portés par les acteurs publics et privés mais aussi par les journalistes, les membres de la société civile ou encore les experts. Les modalités de validité de ces relations peuvent être - de ce fait - plus ou moms marquées. Au cœur de celles-ci s'observent les stratégies des acteurs, porteurs des décisions ou des savoirs techniques, qui se révèvent dans leurs discours.
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L'étude du sud grenoblois, confronté tout particulièrement au mouvement de terrain degrande ampleur des « Ruines de Séchilienne » ainsi qu'au risque d'inondation (de la Romanche et du Drac), nous permer de préciser la construction de la relation entrerisque et développement durable et de suggérer la manière dont la durabilté a investi progressivement la gestion des risques naturels. L'intérét de ce territoire est double : premièrement, le sud grenoblois entretient un rapport historique privilégié avec les risques naturels,favorisant une forte culture du risque; deuxièmement, la loi Barmier a été appliquée, pour la première fois et dans toute sa dimension, vis-à-vis de ce risque d’éboulement des « Ruines ».
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En effet, avec la réalisation des PPRI et la remise en lumière du risque de crue centennale de la Rornanche, le développement urbain et économique des plus grosses communes du sud grenoblois, Vizille et Bourg d'Oisans, se trouve profondément remis en cause. Les conséquences directes qui en résultent sont importantes sur leur gestion et leur planification foncière. L'urbanisation de Vizille se trouve bloquée depuis plus de quatre ans. La plus grande partie des nouveaux projets d'urbanisation (de zones d'activités, de construction de logements, de transformation des locaux, de requalification de friches industrielles) sont désormais caducs et dépendants des prochains rapports d'expertises et de la mise en place de parades, telles que la consolidation des digues. Actuellement, les impacts de ce non-développement ne sont pas encore visibles: progression d'1% par an de la population depuis 1999 jusqu'en 2004, augmentation des valeurs immobilières à l'image de l'agglomération grenobloise...
Néanmoins, il est certain, qu'in fine, les impacts de ces blocages se feront sentir sur les finances communales (baisse des impôts locaux...). Certe suspension de l'urbanisation vizilloise affecte également le développement économique de la communauté de communes du sud grenoblois, qui comptait sur les réserves foncières viziloises.Avec les mêmes conséquences, Bourg d'Oisans voit également son urbanisation bloquée, toute la zone en plaine étant touchée. Dans les deux cas, la situation est loin d'être clarifiée à l'heure actuelle et les élus locaux sont amers : « Entre les Ruines de Séchilienne, la crue centennale de la Romanche a 1000 m3/s à Vizille, on est en train de faire mourir une vallée. Car quand on bloque la constructivité et le développement de l'activité économique, on en fait un desert ou une réserve d'indiens ». Ces situations d'instabilité vont a l'encontre de toute vision durabiliste de ces territoires et tendent méme à compromettre, dans la pratique, la conjugaison entre développement durable et risques naturels. Il ne faut pourtant pas s'arrêter à ces premiers constats de terrain. La difficile articulation de ces deux enjeux puise dans le fondement mème du développement durable et il s'avère que c'est dans ses effets indirects que la gestion des risques contribue a promouvoir un territoire durable.

Une articulation davantage indirecte?
Alors que le cadre législatif du risque s'étoffe au fil des années, il n'en est rien pour ce qui est du dévdoppement durable. Même si de nombreux chercheurs (Jollivet, 2001; Guermon, Mathieu, 2005) s'entendent pour dire que le développement durable a envahi l'ensemble des champs de l'action et des politiques publiques, il fait l'objet de généralisations abusives, devenant un « horizon programmatique plus qu'une réalité rigoureuse et immédiatement opérationnelle » (Mancebo, 2006 : 20). Cela conduit certains professionnels de l'aménagement à éviter son emploi : «Si on veut savoir de quoi on parle, il vaut mieux l'éviter. Chacun y met ce qu'il a envie derrière, et après on aura l'impression de toujours se comprendre et être d'accord, mais en réalité on ne sera d'accord sur rien ». Ce concept est ainsi encore perçu comme flou et vague, telle une « notion valise dans la quelle chacun peut mettre ses propres préoccupations et objectifs» (Ascher, 1998 : 10). À cette permissivité sémantique sont associés les revers de son sur-emploi médiatique, accentuant alors sa perte de contenu au profit d'un usage communicationnel et instrumentalisé. Concrètement, sur le terrain, pour les acteurs locaux, cela se traduit par une attitude contradictoire : un positionnement hésitant quant à son utilisation et à sa définition mais un emploi néanmoins quasi-obligé comme orientation politique programmatique. En ce sens, le développement durable fait alors clairement l'objet non seulement d'une territorialisation dans la déclinaison de ses grands principes d'action mondiaux à un échelon local, mais aussi d'une appropriation et d'une différenciation par les acteurs locaux, selon différents paramètres: positionnement militant, interprétations disciplinaires, culture politique des populations ou encore opportunisme politique (Andres, Faraco, 2007). De la sorte, les élus du sud grenoblois rencontrés, s'inscrivent dans le contexte actuel où planification territoriale tend à s'associer a durabilité. Pour autant, tout en reconnaissant le n lien évident entre la protection contre les risques naturels et le développement durable du territoire concerné, ils émettent diverses réserves relatives aux désagréments rencontrés récemment, en matière d'inconstructibilité notamment. Ils soulévent en ce sens la distorsion frequente entre les réglementations et les directives, et les particularismes territoriaux: difficultés d'adaptabilité, vision transversale limitée entre les différents aléas et les impacts sociaux, économiques, politiques, à différentes échelles. Dès lors, pour certains, l'enjeu de l'action publique se situe dans un meilleur discernement de l'admissibilité du risque et dans une limitation des dérives de sa sectorisation excessive. « Maitriser la nature à tout prix, oui, on peut le faire, mais peut-étre qu'on peut construire différemment. A vouloir canaliser la Romanche, on augmente la vitesse et on augmente le risque ». Au-dela, par les lourdes répercussions du principe de précaution, le volet économique du développement semble, pour les acteurs publics locaux, le plus difficilement compatible: « si l’on prend la lecture du risque, dans les Alpes, par l’État français, on n’est absolument pas dans le durable, car on n’est pas dans l’économique. Risque e durabilité pourraient être compatibles mais aujourd’hui ils ne sont pas gérés de telle façon ». Les élus du sud grenoblois apportent donc une vision opérationnelle, pragmatique du lien, plus ou moin fort, entre risque et durabilité, fortement territorialisé au niveau local. Cette appropriation ne se retrouve pas forcément chez les professionnels de l'aménagement et de la gestion des risques qui formalisent de manière plus technique et transversale ce lien : « Le but est de faire converger les intérêts entre le développemene durable et la prise en compte du risque. On doit le faire en prenant en compee routes les dimensions économiques, sociales et environnementale. »
Pour autant, sur le terrain et dans les pratiques urbanistiques communales et intercommunales, il s'avère qu'un lien implicite, idéellement, mais explicite sur terrain, est en train d'émerger entre la gestion préventive des risques naturels et une planification durable. En effet, des problèmes d'inconstructibilité lidés au risque de crue centennale découlent un requestionnement de l'aménagement durable du sud grenoblois ; les orientations données par le Schéma Directeur de la région grenobloise (2000) sont réinterrogées. Vizille y est affirmé comme un pole urbain a développer. Or, avec le blocage de l'urbanisation, son role de bourgcentre peut, a terme, être remis en cause. Dès lors, comment pallier certe multiplication des zones inconstructibles, gérer le risque tout en continuant à développer une commune ? À l'image de la ville-centre de Grenoble qui, du fait de son périmètre foncier réduit (1830 hectares), a dû très tôt reconsidérer son développement sur les tissus bâtis existants, les communes soumises au risque comme Vizille ou Bourg d'Oisans doivent aujourd'hui repenser leurs développements et se reconstruire sur elles-mêmes. Alors que la contrainte foncière en tant que telle est motrice de l'application du principe de renouvellement urbain à Grenoble, c'est la prise en compte du risque qui semble favoriser aujourd'hui cette reconquête du foncier disponible et mutable dans les communes périurbaines du sud grenoblois. Or, cet impératif va dans le sens d'un développement durable, protecteur des espaces naturels et agricoles. En effet, comme le souligne le directeur du SCOT de la région grenobloise, certe action « d'économie de l'espace » vise a « retrouver des lieux de dévelappement permettant cette offre de logements ou d'activités économiques dans des tissus déjà peu ou bien occupés ». Cela permet de mettre en place « une dynamique de déve-loppement plus durable », possible du fait de l'existence de ces risques naturels majeurs. Ence sens, les risques peuvent être considérés comme un facteur indirect, incitatif, en d'autres termes comme une « contrainte dynamisante » favorable a un aménagement et une gestion foncière plus durable des zones bâties et non bâties de demain.
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Cet article est tiré de La revue de géographie alpine, Gestion des risques et dispositifs d’alerte, Armand Colin éditions, Juin 2007, Tome 95, N° 2.

   
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