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58e Anniversaire
de l'Autonomie et 56e Anniversaire du Statut spécial |
Aoste, le 29 février 2004
Allocution du Président de la Région
M. Carlo Perrin
Le Statut spécial de la Vallée d’Aoste fête aujourd’hui ses 56 ans par cette cérémonie rituelle qui rassemble les représentants du Gouvernement et du Conseil de la Vallée, les parlementaires, les autorités civiles, militaires, académiques, les syndics et les présidents des Communautés de montagne, les représentants des forces sociales et économiques.
Je vous remercie tous de votre présence. Je remercie spécialement M. Stéphane Valeri, Président du Conseil National de la Principauté de Monaco, invité à cette célébration par le Président du Conseil de la Vallée.
Une cérémonie rituelle par sa forme, mais non pas par sa substance ! Notre Autonomie et notre Statut spécial sont en effet l’un des éléments les plus vivants du système Vallée d’Aoste. Ils représentent un principe dynamique, qui se nourrit au jour le jour par le biais de notre détermination, de notre action politique et de notre activité administrative.
Aujourd’hui, nous ne pouvons pas oublier que la promulgation du Statut spécial – bien qu’imparfait et incomplet – a marqué une étape fondamentale dans l’affirmation de notre identité et pour le retour à l’autogouvernement de notre région.
Ce Statut constitue une garantie pour toute la communauté valdôtaine. Il a contribué au développement économique et social de notre collectivité et a fait de la Vallée d’Aoste le modèle et le « laboratoire » de l’application des principes de l’autonomie.
Cette année, la fête de l’autonomie et du Statut spécial de la Vallée d’Aoste coïncide avec le 60ème anniversaire de la mort d’Emile Chanoux.
La pensée de Chanoux a profondément influencé et marqué l’action politique de l’après-guerre. Le nom d’Emile Chanoux – comme le rappelait Joseph Bréan – « évoque un homme qui a incarné l’épopée valdôtaine ». Car Chanoux – et avec lui la Jeune Vallée d’Aoste et son inspirateur l’abbé Trèves – ont représenté une véritable coagulation de tant de siècles d’histoire valdôtaine, de luttes et de combats au nom du droit à l’autogouvernement. Ils ont été une sorte de trait d’union entre le passé et le futur qu’ils esquissaient au nom de l’idéal fédéraliste.
Leurs idéaux ont inspiré le parcours à entreprendre : un parcours qui se nourrissait du particularisme linguistique et culturel de notre région, véritable pilier et raison d’être de notre identité spéciale. Un parcours qui entrevoyait dans l’application du principe de subsidiarité la valorisation de la personne comme citoyen actif capable d’assumer des responsabilités.
Ces 56 ans d’application du Statut spécial ont produit certainement un grand résultat : ce que j’appelle la « culture de l’autonomie », une culture répandue chez le peuple valdôtain, une culture inscrite dans son code génétique, que ce soit au niveau institutionnel, au niveau politique, aux niveaux culturel, économique et social.
Le système Vallée d’Aoste tel que nous le connaissons aujourd’hui est le fruit de ce parcours, de ce retour à la gestion autonome de nos ressources. Un système qui tourne autour de notre spécialité.
L’autonomie a beaucoup d’atouts pour séduire le monde d’aujourd’hui.
Avant tout parce qu’elle repose sur un principe fondamental, qui est celui du respect et de la mise en valeur de la personne. De l’homme et de la femme en tant que citoyens responsables participant activement aux processus de développement de la société dans toutes ses acceptions.
Si l’homme est donc au centre de la société il l’est avec son héritage culturel et linguistique. S’il y a une mondialisation qui tend à faire disparaître les cultures traditionnelles au nom d’un paysage mondial uniformisé par le marché, par ses intérêts économiques et sa puissance d’homogénéisation, il y a aussi une alter mondialisation, qui tend vers l’expression de la diversité culturelle, qui anime le dialogue entre différentes cultures. Comme le rappelait M. Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie, « notre humanité est une, mais son expression est multiple, car l’humanité se vit et se décline à travers la diversité des cultures qui l’expriment ».
C’est pourquoi notre combat d’il y a plus d’un demi-siècle était déjà à ce moment un combat d’avant-garde. Parce qu’il reposait sur le principe que « la culture n’est pas seulement ce qui donne une identité à l’homme, mais aussi ce qui lui permet d’être reconnu comme homme par d’autres hommes ».
Nos spécificités culturelles et linguistiques ont relancé notre autonomie il y a 58 ans.
Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons le droit et le devoir de promouvoir le rôle de la langue française en Vallée d’Aoste. C’est elle qui représente notre valeur ajoutée dans un monde qui tend de plus en plus à ébranler nos identités et à faire vaciller nos certitudes. C’est elle aussi qui nous permet – et qui nous a permis dans le passé – de nous projeter au-delà des horizons de nos montagnes. C’est la langue française à côté de la langue francoprovençale – sans oublier les germanophones de la vallée du Lys – en passant par notre territoire de haute montagne et notre région de frontière, qui ont forgé notre identité et notre caractère, qui ont contribué à l’épanouissement de notre communauté.
Nous devons être bien conscients de ces faits. Parce qu’aujourd’hui, où paradoxalement l’idéal fédéraliste semble être entré dans le lexique de tout décideur politique, notre autonomie et surtout notre spécialité sont minées par un dessein de nivellement et d’homogénéisation des différentes entités, qui tend à affaiblir le rôle des autonomies spéciales.
Aujourd’hui, plus que jamais, nous ressentons l’exigence d’un rapport direct et constant, mais surtout réciproquement respectueux, avec l’Etat italien, afin d’affirmer notre reconnaissance politique et institutionnelle et de participer activement à la discussion et à l’élaboration des lois qui nous concernent directement.
Notre Statut contient les lignes directrices des rapports entre l’Etat et la Région, à savoir la composition des intérêts réciproques, par le biais de la Commission paritaire. La norme du Statut doit être ravivée et mise en œuvre sur la base d’une coopération effective et loyale.
Par ailleurs, il est temps que le gouvernement central soutienne les engagements solennels qu’il a pris pour l’insertion dans la Constitution du principe de l’entente avec les Régions spéciales en cas de modifications de leurs Statuts.
Notre autonomie nous revient, non pas parce qu’il s’agit d’un privilège, mais parce qu’il est le fruit d’un droit qui découle de l’histoire et de la Constitution !
Nous pouvons être les promoteurs d’un modèle qui peut faire la différence. Et avec nous, toutes les autres autonomies spéciales, avec lesquelles nous collaborons étroitement pour bâtir un avenir qui soit respectueux de la coexistence, du dialogue et de l’interaction entre les différentes entités qui composent la mosaïque institutionnelle.
Tout comme au niveau européen, où le projet constitutionnel paraît stagner face à la multiplicité des intérêts des différents pays qui composent l’Union, de nombreux défis nous attendent.
C’est bien à travers l'élaboration de la future Constitution, que l'architecture générale de l'Europe de demain se définira. Ce projet commun, qui, pour nous, région au cœur de l’Europe, signifie un espace de prospérité, de solidarité et de proximité.
Avec les autres régions européennes, nous devons montrer que la reconnaissance du rôle et des responsabilités des collectivités locales et régionales peut donner une valeur ajoutée à l’Union européenne et à ses citoyennes et citoyens. Nous sommes en quelques sorte « les gardiens de la subsidiarité » européenne. Et, de plus en plus, les principaux points d’arrivée des décisions politiques communautaires.
Nous sommes aujourd’hui à un tournant de l’histoire.
Bien que petits par notre nombre, nous sommes en mesure de contribuer à la construction d’un nouvel ordre mondial. Parce que nous sommes porteurs d’un système bâti autour du respect de la personne, de la valorisation de la diversité, de la promotion d’un développement durable et consciencieux qui prend en compte tout aussi bien les petites que les grandes choses.
Merci.
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