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Media Generation

Pour bien apprendre le français, il faut trouver maintes occasions de le parler.
À Gignod, les écoliers s’adressent à la maîtresse et aux autres enfants de la classe bien sûr, mais il y a aussi les marionnettes, et ils s’amusent beaucoup !

Je me suis souvent demandée comment faire naître chez mes élèves l’envie de s’exprimer en français.
C’est leur imagination débordante et leur capacité créative qui m’ont donné l’idée d’utiliser des marionnettes comme vecteur de la communication et de l’apprentissage de la langue orale en classe. C’est donc avec eux et grâce à eux que sont nés les personnages de Pantoufle Citrouille et de Cacao Chichignoud, selon les classes dans lesquelles je travaille.

Pantoufle Citrouille

Pantoufle Citrouille, la première marionnette, a été notre complice tout au long des cinq années de primaire des enfants de la classe.
Un jour, elle est arrivée de Suisse par la poste, plus précisément de Sion. Elle était enfermée dans une jolie boîte colorée.
Pantoufle a l’air malin, elle est très coquine ; elle ne parle et ne comprend que le français. Il faut donc s’adresser à elle exclusivement dans cette langue ; ce qui n’est pas évident pour des enfants âgés de sept ans.
Au début, c’est le royaume de la débrouille : il est important que les écoliers essayent de dire quelques mots en français, qu’ils communiquent, que le contact s’établisse, qu’ils comprennent et se fassent comprendre. Et peu importe si on se trompe !
Pour amuser les enfants, j’ai inventé avec eux deux mots " fantaisie " : l’italiançais, quand l’enfant formule une phrase avec plus de mots italiens que français et le françaisilien, grande conquête pour les enfants, quand ils arrivent enfin à former une phrase presque entièrement en français. C’est amusant de voir comment, après s’être adressés à Pantoufle, les enfants me demandent s’ils se sont exprimés en italiançais ou en françaisilien.
La marionnette n’évoque pas un monde à part, mais la vie de tous les jours. Notre monde francophone imaginaire est issu de ce qui nous entoure, pas question de situations ou d’objets étrangers au quotidien des enfants.
La marionnette présente une situation d’apprentissage. Par exemple, quand je veux aborder pour la première fois l’impératif, je donne des ordres à Pantoufle et elle m’en donne aussi.
Comme je suis bilingue, je me sers indifféremment des deux langues avec les enfants, mais Pantoufle Citrouille parle seulement français. Les enfants apprennent très vite à faire la différence et à s’adresser à qui de droit, dans l’une ou l’autre langue.
On sous-estime trop souvent la capacité des enfants à imaginer un monde merveilleux, en les tenant trop étroitement enracinés dans le monde hyperréaliste qui les entoure. Au contraire, ils ont encore besoin de créer un univers imaginaire qui leur est propre, dans lequel ils se reconnaissent et se construisent. C’est pour cela que je ne suis pas surprise quand mes élèves, même de quatrième ou de cinquième année, me demandent encore : " Comment dit-on cela en français ? Je dois le dire à Pantoufle. "

La mise en place du projet

Souvent, pour acquérir certains mécanismes de la langue, il faut proposer des exercices répétitifs, parfois ennuyeux. Notre marionnette nous aide considérablement à susciter l’imagination, l’envie de connaître, d’apprendre et à rendre plus attrayantes les différentes activités. De cette façon, bien des structures linguistiques sont mémorisées implicitement, sans trop y réfléchir, sans trop d’effort. Les enfants s’amusent à répéter ces phrases à Pantoufle ; ils font de moins en moins d’erreurs et leurs phrases deviennent plus correctes; mais un long travail préalable et une grande capacité d’improvisation sont nécessaires. Le projet doit être pensé sur le long terme. C’est ainsi que je l’ai imaginé, il y a quelques années, quand je me suis lancée dans l’aventure et que j’ai commencé à le construire dans mes classes. Dès le début, j’en connaissais globalement les contenus et la progression.
Mais un projet basé sur le dialogue et l’échange nécessite, de la part de l’enseignant, une grande capacité d’adaptation aux continuelles stimulations venues des enfants.
Aussitôt que je me rends compte de la nécessité d’aborder un thème nouveau, même si ce n’est pas ce que j’avais prévu ce jour-là, je n’hésite pas à m’adapter et à modifier la programmation pour exploiter le sujet tout de suite. Mais il faut être rigoureux et vérifier régulièrement les acquis de vocabulaire et des structures grammaticales de base.
Dans ce dispositif, l’enseignant joue un rôle fondamental : il est à l’affût des moindres situations d’apprentissage qui se présentent dans la classe afin de les transformer en activités didactiques. Et pour y arriver, il faut savoir repérer le moment précis qui marquera le début ou la fin de l’activité.
Je voudrais aussi préciser que je n’ai pas imaginé ce projet pour combattre l’ennui ; il reflète plutôt la manière de penser des enfants ; c’est comme un antidote à l’ennui. Le but n’est pas d’éviter la fatigue nécessaire à tout apprentissage, mais de mieux répartir l’effort pour en exploiter toute l’efficacité et le bénéfice. Je m’évertue à détourner les écoliers d’un quelconque sentiment de lassitude ou d’ennui, qui pourrait être engendré par les exercices répétitifs.

L’oral

Je me suis toujours ingéniée à trouver plusieurs moyens aptes
à permettre aux élèves d’acquérir un vocabulaire français le plus riche possible. Ils doivent appren-
dre un certain nombre de mots sans lesquels il est bien difficile d’exprimer sa pensée car, il faut bien l’avouer, le français n’est effectivement pas leur langue maternelle.
Le point de départ, c’est le dialogue ; progressivement et tout en jouant, il permet d’accumuler un certain corpus de noms, de verbes, de structures grammaticales indispensables pour s’exprimer avec aisance.
Les jeux de découverte, la compétition entre groupes, la consultation du dictionnaire, la fabrication d’un album " rubrique " etc., tout est prétexte pour enrichir le vocabulaire. Les enfants sont amenés à mémoriser les mots proposés, au moyen des livrets-images prévus à cet effet. C’est ainsi que se construit et s’enrichit le patrimoine de connaissances de la classe. Régulièrement, j’effectue un contrôle sous forme de dictées ou de différents exercices et jeux de mémorisation.

Les dispositifs

Les dispositifs utilisés sont nombreux et variés. Le plus exploité c’est celui des " mé-mots ". Ce sont des livrets, la plupart d’entre eux sont composés d’une trentaine d’images. Ils sont structurés de différentes manières, en fonction du programme proposé. En voici quelques-uns :
• les " mé-mots thèmes ". Il y en a plusieurs ; chacun aborde un domaine spécifique : les couleurs, les objets, les parties du corps, les actions, les adjectifs, etc. ;
• les " mé-mots orthographe ". Ce sont des livrets où les mots images sont regroupés par graphèmes ;
• les " mé-mots structures ". Chacun possède des images à interpréter avec des structures à réutiliser, selon l’image proposée ;
• les " mé-mots conjugaison ". Ils aident l’enfant à conjuguer oralement des verbes.
Les différents livrets sont proposés à travers des jeux permettant de vérifier les connaissances acquises. Par exemple, il y a des jeux de mémorisation des images qui peuvent se faire individuellement, à deux, ou par petits groupes. Dans ce dernier cas, le jeu de compétition est une source d’enrichissement qui plait beaucoup aux enfants. Ils sont très motivés pour se mesurer avec les autres ou pour s’entraider. Même les élèves en difficultés y rencontrent des défis à leur portée.
Parfois, le jeu consiste à trouver le plus grand nombre de mots ayant le même son ; ou bien c’est à celui qui se souvient du plus grand nombre de mots-images du livret.
Pendant ce dernier jeu-exercice, l’enfant écrit dans sa grille, le nombre de fautes faites pour chaque livret choisi, afin de pouvoir contrôler et vérifier sa progression de l’apprentissage lié à la mémoire.
Ces activités demandent une vigilance de tous les instants de la part de l’adulte, pour ne pas que des erreurs s’enracinent. Afin d’éviter les mauvaises habitudes, il est bon de travailler par groupes de deux ou plus, en mêlant des enfants aux compétences différentes. Mais l’enseignant ne doit jamais être bien loin ; il faut être prêt à intervenir, pour aider dans sa démarche de découverte celui qui en a besoin, pour le guider et le corriger quand cela est nécessaire.
Un autre jeu, dont les résultats ont été très positifs, est celui que nous avons appelé " le jeu des phrases folles ". Je le propose souvent dans les petites classes de première ou de deuxième année. Le but est de composer des phrases dépourvues de sens, mais à la structure grammaticale correcte. Ce jeu a l’avantage d’entraîner leur capacité de mémorisation et de leur fournir des instruments utiles dans leur recherche de formes grammaticales simples. Voilà un petit exemple de " phrases folles " pour apprendre aux enfants de première année la délicate structure, difficile à acquérir et à réutiliser :
" Pourquoi… ? Parce que… ". Je propose des couples d’images
qui représentent une image-situation A qui suscite la question
" Pourquoi... ? " et une image-situation B qui donne la réponse
" Parce que... ". En mélangeant les cartes A et les cartes B, on arrive à créer des " réponses folles " qui plaisent énormément aux enfants.
Les différents groupes de livrets " mé-mots " sont classés à l’aide de différentes couleurs, selon qu’ils se rapportent à l’apprentissage de mots, à celui d’une forme grammaticale, ou bien encore à la conjugaison ou à la syntaxe.
Au fur et à mesure, le niveau des connaissances augmente ; les premiers " mé-mots sujets " et les " mé-mots actions " laissent progressivement la place aux nouveaux livrets " mé-mots verbes " qui permettent des exercices de conjugaison, aux " mé-mots invariables " pour apprendre l’usage correct et l’orthographe des mots invariables les plus fréquents et aux " mé-mots forme interrogative et négative " pour s’exercer à l’oral.
Même si les exercices de répétition peuvent paraître ennuyeux pour des enfants de cet âge, on ne peut pas se permettre de laisser tomber un sujet pendant de longues semaines. Le bagage linguistique accumulé se transforme en véritable patrimoine commun seulement si on est en mesure de s’en servir le moment opportun. Les occasions de s’exercer en dehors de l’école sont rares, c’est pourquoi il est important de réutiliser en classe ce qui a été appris, surtout pour ceux qui ont des difficultés d’apprentissage.
Tout au long de l’année, Pantoufle Citrouille ou Cacao Chichignoud nous accompagnent ; mais s’il y a aussi Mimi la souris, Olivier le policier, Richard le renard, Pompon le hérisson ; toute une kyrielle de copains pantins que je présente suivant les occasions. Parfois, ce sont de simples auditeurs qu’ils retrouvent avec enthousiasme lors des exercices de répétition.

Ada Jacquemet

 

 

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