Recherche sur l'alimentation traditionnelle 
          en Vallée d'Aoste du Moyen Âge au début du XXIe 
          siècle et, plus particulièrement, sur la conservation 
          des aliments ; celle-ci est présentée dans une antique 
          maison rurale, la Maison Bruil, située dans la commune d'Introd.
        Un titre à double sens qui nous fait prendre conscience que, 
          dans notre société de consommation, sans cesse soumise 
          à l'action harcelante des mass media et caractérisée 
          par la recherche continue de la nouveauté, parler de conservation 
          peut sembler étrange, voire désuet et anachronique. Cependant, 
          la conservation ne concerne pas ici uniquement les produits alimentaires 
          mais un autre type de bien, un bien immatériel mais également 
          périssable : la mémoire. 
          Un patrimoine devient, en effet, toujours plus précieux quand 
          on risque de le perdre définitivement et lorsque les éléments 
          contribuant à sa sauvegarde en termes de traditions, savoirs, 
          connaissances et témoignages tendent aussi à disparaître. 
          Voilà donc l'importance du souvenir pour conserver.
          Voilà pourquoi aussi, il devient urgent de transmettre aux jeunes 
          générations au moins quelques bribes de la vie quotidienne 
          d'autrefois, une histoire que l'on ne trouve écrite nulle part 
          mais qui provient de la mémoire de ceux qui l’ont vécue.
          C'est dans cette optique que le BREL s'est fait le promoteur d'un projet 
          dont le but est d’examiner les aspects du paysage liés 
          essentiellement à l'identité et à la mémoire 
          afin de collecter et de sauvegarder les éléments de la 
          culture traditionnelle et d’en dégager des savoir- faire 
          en vue de renforcer l'identité culturelle de notre société.
          L'exposition Conserver le souvenir - se souvenir pour conserver 
          figure au programme des nombreuses initiatives prévues dans le 
          cadre d'un vaste projet communautaire au nom évocateur Paysages… 
          à croquer - valorisation culturelle des paysages agricoles patrimoniaux. 
          Sur le thème choisi, l'alimentation traditionnelle en montagne, 
          un colloque a aussi été organisé durant l'hiver 
          2004.
          Pour cette exposition, il a été retenu important d'aborder, 
          dans un premier temps, le thème de la conservation des produits, 
          condition indispensable pour permettre aux hommes de vivre de manière 
          stable et durable en montagne pendant la longue période où 
          le sol est improductif.
          Labeur, ingéniosité, prévoyance étaient 
          autrefois nécessaires autant pour obtenir la plus grande variété 
          possible de produits que pour les transformer afin de les conserver 
          convenablement d'une récolte à l'autre. Ainsi, au fil 
          des siècles, des techniques d'affinage et de conservation des 
          denrées se sont solidement implantées, surtout auprès 
          des communautés rurales qui les ont pratiquées jusqu'à 
          il y a quelques décennies.
        
         Désormais, ce patrimoine de savoirs, de senteurs et de goûts 
          risque lui aussi de disparaître à tout jamais, effacé 
          par les profonds bouleversements intervenus dans notre société 
          et qui englobent aussi les habitudes alimentaires de toutes les couches 
          sociales de la population valdôtaine. Seuls la parole des anciens 
          et le langage des objets nous permettent d'en sauver la mémoire.
          L'exposition propose d'étudier ces procédés de 
          conservation des aliments, fruit de savoir-faire empiriques, traditionnels, 
          d'une expérience séculaire conjuguée à quelques 
          croyances populaires, en partant de l'examen du paysage, un paysage 
          nourricier qui reflète le type d'alimentation 
          de la population qui l'a créé. Le travail de l'homme a 
          été également mis en valeur ; il est indispensable 
          pour faire face à ses besoins alimentaires, pour arriver enfin 
          à la conservation des produits avec, le cas échéant, 
          leur transformation préalable, autre facteur important car ces 
          techniques permettaient de multiplier les saveurs et d’allonger 
          la durée de conservation.
          La maison accueillant l'exposition s'y prêtant parfaitement, les 
          différentes techniques de conservation (le froid, la cuisson, 
          l'isolement de l'air, le séchage, la salaison et le fumage) ont 
          été présentées dans les locaux originaux 
          qui ont ainsi retrouvé leur fonction primitive. 
          C'est ainsi que :
          • dans l'ancienne cave de la maison qui, en plus d’être 
          fraîche, préservait les produits de la lumière, 
          est présentée la conservation du vin, du vinaigre et de 
          l'eau de vie ;
          • dans l'ancienne maison du fouà est présentée 
          la conservation du beurre frais dans l'eau courante, du beurre fondu 
          et du sérac séché au feu de bois ;
          • une grotte naturelle a été reproduite comme celles 
          où étaient autrefois conservés certains aliments 
          ; grottes qui parfois appartenaient à la “ consorterie 
          ” du village comme celle de Beaulin à Arvier ; 
          • dans le crotteun, on a présenté le lieu 
          où l'on conservait les légumes (pommes de terre, betteraves), 
          et aussi le fromage et les châtaignes, ainsi que certaines préparations 
          en saumure (choux et viande) ; 
          • dans la cuisine, méizón, qui était 
          l'endroit où la famille travaillait le lait, préparait 
          les repas et transformait les produits et dans la pièce chauffée, 
          péillo, sont présentés la rézin-où 
          (marmelade), lo dzenevrà (confiture de genièvre), 
          le sel, le beurre fondu et le saindoux ;
          • dans les différents galetas et les mansardes de la maison 
          est présentée la conservation par séchage et par 
          isolement de l'air. Cela concerne les céréales, la viande, 
          les saucisses, les fruits, les œufs, le pain, certains légumes 
          et les plantes médicinales.
          Par une méthode de communication multimédia en contraste 
          avec les anciennes, sont aussi illustrées, les techniques modernes 
          de conservation. Enfin, une projection d'images d'objets liés 
          à l'alimentation, préparée par le service du catalogue 
          de la Surintendance aux biens culturels, complète l'exposition.
          Deux locaux didactiques à l'intention des enfants ont aussi été 
          aménagés : l'un avec l’utilisation d’un cd-rom 
          interactif sur la gestion du paysage (cd-rom actuellement en cours de 
          réalisation et qui sera, à l'avenir, distribué 
          dans les écoles), et l'autre où sont proposés divers 
          produits d'hier et d'aujourd'hui pour le goûter des enfants.
          À une époque où les sociétés modernes 
          connaissent une crise des valeurs et une crise d'identité, la 
          notion de médiation culturelle semble pouvoir s'imposer afin 
          de redonner un sens aux valeurs qui fondaient autrefois la société 
          et qui ne signifient plus grand chose aujourd'hui pour bon nombre de 
          personnes. C'est pour palier cette perte de sens que les expositions 
          présentées par le BREL veulent s'adresser au grand public, 
          afin de le rapprocher de la culture traditionnelle et de changer son 
          regard vis-à-vis des musées en général.
          En proposant chaque année aux écoles de la Région 
          un projet éducatif prévoyant de permettre l'épanouissement 
          de l'identité de chaque enfant dans une perspective d'échange 
          et de dialogue, les médiateurs culturels formés au 
          sein du BREL au fil des années et des différentes expériences 
          vont à la rencontre de publics traditionnellement absents des 
          musées. Les activités proposées vont ainsi au-delà 
          de la simple exposition en étudiant également un plus 
          large contexte.
          Cette année, le projet pédagogique mis sur pied autour 
          de l'exposition Conserver le souvenir - se souvenir pour conserver 
          vise à transmettre aux jeunes générations la connaissance 
          de la réalité dans laquelle ils vivent et d'en illustrer 
          l'évolution. Elle leur permet, aussi, plus particulièrement 
          :
          • d'expérimenter les techniques et les savoir-faire de 
          production, de transformation et de conservation des aliments pris en 
          exemple dans l'exposition ;
          • de récupérer la manualité de ces différentes 
          actions ;
          • de découvrir des produits du terroir avec leurs différentes 
          phases de culture ;
          • d'exercer le goût et de découvrir de multiples 
          sensations. 
          Une série de 55 séances d'animation sont ainsi proposées 
          aux écoles maternelles, élémentaires et moyennes 
          de la Région. Elles se dérouleront au printemps 2006, 
          du mois de mars au mois de mai avec le choix des ateliers suivants :
          • de la culture à la consommation : calendrier des activités 
          du montagnard;
          • de la cave au grenier : rangement des denrées alimentaires 
          à conserver;
          • le potager de ma grand-mère : reconnaître les légumes 
          d'hier et d'aujourd'hui;
          • leçon aux goûts d'autrefois avec déclinaison 
          des quatre saveurs (acidité - salé - sucré -amer);
          • le troc alimentaire;
          • les ustensiles du passé et la mémoire des gestes 
          : retrouver l'usage de certains ustensiles et de certaines actions;
          • à chacun son goûter : comparaison entre le goûter 
          d'hier et celui d'aujourd'hui;
          Dépassant toutes les prévisions, 85 demandes de participation 
          ont été reçues, ce qui prouve bien l'intérêt 
          suscité par ces séances d'animation à caractère 
          ethnographique et linguistique.