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Harmoniser l'apprentissage des langues

Le projet, mené à bien grâce à la collaboration des deux enseignantes de langue, tend à démontrer que la version française du Portfolio européen des langues est un instrument valable pour soutenir les élèves dans leur parcours d’apprentissage intégré des langues française et anglaise.

Avec la classe de 1E, composée de 22 élèves, neuf garçons et treize filles, nous sommes deux enseignantes, Manuela Madiai pour la langue anglaise et Nadia Rosaire pour la langue française, à nous être lancées dans un projet annuel concernant l’utilisation en classe du Portfolio Européen des Langues.
Pour la mise en route et la gestion de l’initiative nous pouvons compter sur la collaboration de l’experte externe Gabriella Vernetto(1).

Avant de faire le choix de notre portfolio, nous nous sommes penchées sur des modèles en usage en Lombardie ou au Piémont. Compte tenu de notre situation de région bilingue, nous avions la possibilité d’adopter une version en italien ou bien en français. Nous avons opté pour celle en français. Notre préférence s’est portée sur un portfolio rédigé en français, même si nous étions conscientes que parfois le niveau de langue aurait pu poser quelque problème de compréhension.
Notre préférence s’est portée sur le Portfolio européen des langues- collège accordé à Ens/Ciep/ Didier qui présente en plus des descripteurs socioculturels.
Il est vrai qu’un problème supplémentaire de compréhension se pose quand un élève arrive d’ailleurs et ne connaît pas encore le français ; le cas s’est présenté cette année.
Peut-être aussi que, dans notre situation, le portfolio monolingue n’est pas l’idéal. Il faut trouver une solution pour que la langue véhiculaire ne soit pas une source supplémentaire de complications. Nous aimerions nous rapprocher le plus possible d’une formule valable de portfolio valdôtain (peut-être sur le modèle suisse plurilingue, même s’il y a le risque que les enfants consultent uniquement les textes en italien et négligent systématiquement ceux rédigés dans les autres langues).
Le but de notre projet n’est donc pas tant de vérifier la validité du modèle de PEL choisi(2). Cela a déjà fait l’objet d’une expérimentation menée par un comité d’experts du Conseil de l’Europe ; mais la finalité principale du projet vise surtout la possibilité de l’adapter à la réalité valdôtaine et d’en mesurer l’impact sur les élèves.
Nous voulons vérifier plusieurs hypothèses. La première, selon laquelle, en termes de motivation, l’usage du portfolio faciliterait chez les élèves le processus d’apprentissage des langues. Ensuite il serait intéressant de savoir si leur capacité d’auto-évaluation liée à cet instrument serait à même de contribuer réellement à une meilleure prise de conscience des capacités / potentialités de chacun ; et enfin la dernière, selon laquelle leur capacité d’autonomie s’en trouverait renforcée.

L’approche méthodologique et les objectifs

Notre intention est de privilégier une approche méthodologique centrée sur l’apprenant et sur les stratégies mises en place par le groupe classe afin de promouvoir l’esprit d’initiative, la prise de responsabilité, la coopération et la réflexion des élèves non seulement au niveau individuel mais aussi collectif.
Pour cela, tout d’abord, un parcours de didactique intégrée des langues est envisagé dans cette optique, grâce à la présence conjointe en classe des deux enseignantes d’anglais et de français ; puis il s’agit de sélectionner des activités déjà prévues dans la programmation annuelle et ayant trait à des disciplines aptes à favoriser chez les élèves l’acquisition d’opérations spécifiques introduites par le PEL.
Ce choix doit d’abord permettre à chacun de comprendre à quoi sert et comment est structuré le PEL, puis de développer petit à petit, grâce à l’usage de l’instrument, certaines compétences cognitives et méta-cognitives telles que la prise de conscience personnelle de ses propres compétences linguistiques et culturelles, ainsi que la découverte des mécanismes qui entrent en jeu dans l’apprentissage des langues dans un contexte plurilingue.
Chaque enseignante participant au projet s’engage à introduire l’activité liée au portfolio dans un parcours disciplinaire programmé, de façon à ce que les élèves n’aient pas l’impression de subir une activité supplémentaire, juxtaposée artificiellement au travail habituel.

Pour ce projet nous avons voulu définir quatre objectifs principaux. Le premier concerne l’élaboration et l’expérimentation d’un parcours commun de langues française et anglaise, dès la classe de première année, pour sensibiliser tout de suite les élèves au thème du plurilinguisme. Le deuxième vise à recueillir et à codifier quelques unes des difficultés contre lesquelles les élèves butent le plus fréquemment, quand ils sont confrontés à l’approche du français et de l’anglais dans un contexte plurilingue. Le troisième doit permettre d’élaborer et d’expérimenter des stratégies d’introduction et de gestion du PEL dans un parcours de didactique intégrée des langues. Et enfin, le dernier est destiné à vérifier dans quelle mesure le PEL favorise, chez les élèves, une meilleure prise de conscience de leur processus d’apprentissage des langues, dans le but de les orienter vers une réflexion métalinguistique leur permettant d’élaborer de façon autonome les stratégies adaptées à chaque situation.

Le déroulement des différentes activités

Pour le déroulement du projet, une série de rencontres entre les enseignants concernés ont d’abord été prévues, pour soigner le travail d’élaboration ; dans un deuxième temps l’initiative a été présentée aux parents ; du temps doit être régulièrement consacré à l’élaboration du matériel de support destiné aux activités en classe et pour l’expérimentation proprement dite avec les élèves ; enfin, avec la participation de l’experte externe, du temps doit être consacré au monitorage et à l’évaluation finale.
Tout au long de l’année les élèves doivent être amenés :
• à réfléchir sur la diversité et sur la richesse linguistique de leur environnement (classe, région, pays) ;
• à récupérer dans leur mémoire personnelle tout ce qui doit leur permettre de prendre conscience du parcours que chacun a effectué jusque là pour apprendre les langues et mener à bien leurs expériences de rencontre avec d’autres langues ou d’autres cultures ;
• à explorer progressivement leur PEL ;
• à réfléchir sur la signification et sur les fonctions de la biographie linguistique, du dossier et du passeport ;
• à analyser le niveau de compétences jusque là acquises dans le domaine de la communication linguistique et des expériences réalisées dans le domaine interculturel ; à évaluer le niveau de compétences atteint dans les langues étudiées ;
• à rechercher des documents significatifs ayant trait à leur parcours personnel effectué dans l’apprentissage des langues étudiées et au contact d’autres cultures.
Il est prévu que les interventions dans la classe et les différentes phases de l’expérimentation soient régulièrement notées dans le journal de bord, car il est important d’en conserver la trace. Les éléments d’information sur les activités réalisées y sont soigneusement décrites ; de même que les observations des élèves portant sur les difficultés rencontrées, sur ce qu’ils n’ont pas compris, sur leurs réactions en général. Une attention particulière est portée sur les impressions spontanées des élèves, à propos des activités effectuées. Il est, en effet, intéressant de noter si l’activité a été appréciée par la classe et quel a été le degré de participation de chacun. Il est, en outre, bon de prévoir une évaluation des activités proposées au groupe classe, ainsi que des difficultés rencontrées. Quelques modules ciblés pourront éventuellement faire l’objet d’un enregistrement pour documenter l’expérience.
En fin de parcours, il est prévu d’inviter enfants et parents à répondre à des questionnaires spécifiques concernant l’ensemble du projet.

Quelques activités en classe

Le dossier portfolio de chaque élève est personnalisé. Par exemple, quand, au mois d’octobre, a été entreprise l’activité concernant les façons de nommer les couleurs, dans la dizaine de langues qui ont émergé de la discussion entre les élèves, nous avons élargi l’exercice à la diffusion de toutes ces langues à la surface de la Terre. (voir tableau illustratif)
Les élèves ont aussi travaillé sur les notions de première langue, de langue maternelle, de seconde langue, de langue étrangère. Ils ont réfléchi ensemble et on a expliqué pourquoi le français est parlé au Val d’Aoste, pourquoi on leur demande d’étudier l’anglais. Ils se sont penchés sur la notion de langue étrangère, etc., pour mieux comprendre la partie du portfolio intitulée “Les langues dans la classe”, le but étant de faire émerger la richesse linguistique de la classe.

Les activités proprement liées portfolio se déroulent généralement en français, même s’il faut traduire pour la nouvelle élève qui ne le parle pas encore. Il est clair que les élèves ne sont pas encore en mesure de faire de grands discours en anglais. Dans cette langue on se limite évidemment au lexique et à quelques phrases simples, en cohérence avec le programme et le niveau de connaissance de la langue. On utilise fréquemment l’alternance des langues.

Quand, au mois d’octobre, a été abordé “Le statut des langues”, nous avons vu avec la classe la différence entre langue maternelle, langue officielle, bilinguisme, pluriliguisme et langue étrangère. Nous avons demandé à chacun quelle est sa langue maternelle… Cela a fait l’objet d’une discussion animée, dont le but n’était pas de finir par apprendre par cœur une série de définitions.
Pour “Les écrits dans la ville”, les élèves devaient repérer dans leur environnement des écrits dans différentes langues. Les enfants ont bien recueilli des pièces de monnaie, des billets de train ou d’avion, etc., qu’ils ont soigneusement placés dans leur dossier ; mais comme la plupart de ses camarades, une fille qui disait n’avoir rien trouvé portait, ce jour-là, un tee-shirt avec une phrase en anglais ; elle ne s’en était pas aperçue ! Les élèves n’avaient pas vraiment exercé leur capacité d’observation pour répondre à la consigne qui leur avait été proposée. La question n’avait pas été bien comprise ou bien formulée par les profs.

Les activités n’ont pas été programmées de façon rigide. Chemin faisant, alors que ce n’était pas prévu au départ, l’activité concernant le portfolio a englobé la correspondance mise sur pied avec les correspondants polonais et norvégiens, avec lesquels les langues de communication choisies sont le français pour les premiers et l’anglais pour les seconds.
De notre côté, nous sommes attentives à ce qu’ils écrivent correctement, mais, puisque leur niveau de langue est encore faible (surtout en anglais), pour éviter qu’ils se bloquent face aux premières difficultés d’expression rencontrées, nous acceptons qu’ils correspondent librement.

Nous, en tant qu’enseignantes, nous tenons aussi notre journal de bord. Nous y conservons nos réflexions sur les réactions des élèves face à ce que nous leur proposons. Mais c’est un instrument personnel. Par exemple, nous y avons noté que l’activité sur les drapeaux a obtenu un vif succès, bien que nous ne nous y attendions pas ! Nous y avons aussi noté qu’un exercice de transformation du masculin au féminin a été très apprécié, car les enfants ne se sont pas rendu compte que c’était un banal exercice d’application d’une règle de grammaire !
Les réactions des élèves contribuent également à enrichir notre réflexion d’enseignantes. Par exemple, en s’habituant à travailler et à réfléchir sur les langues, il leur arrive de nous faire découvrir des différences au niveau linguistique… Ils nous ont aussi fait remarquer qu’ils préfèrent s’exprimer en italien quand il s’agit pour eux de traduire une émotion. Bien souvent, nous faisons ainsi, ensemble, de nouvelles découvertes, grâce à l’approche simultanée des langues française et anglaise dans le cadre de cette activité liée au PEL.

LE TOUR DU PEL EN HUIT QUESTIONS
1. Qu'est-ce qu'un Portfolio européen des langues ?
Le Portfolio européen des langues (PEL) a été élaboré et expérimenté par le Conseil de l'Europe à la fin des années 90. Les résultats de l'expérimentation étant largement positifs, la plupart des États membres ont souhaité l'introduire dans les différentes sections de leur système éducatif au cours de l'Année Européenne des Langues (2001).
C'est un document dans lequel toute personne qui apprend une langue, en milieu scolaire ou à l'extérieur, peut consigner ses connaissances linguistiques et ses expériences interculturelles.
C'est un “ compagnon de voyage ” qui permet d'auto-évaluer ses propres compétences en fonction des six niveaux de maîtrise du Cadre européen commun de référence et de les présenter de manière complète, concrète, transparente et fiable.

2. Quels en sont les objectifs ?
Le PEL se propose de faire prendre conscience de la richesse du patrimoine linguistique et culturel de l'Europe pour le valoriser. Il veut, en outre, motiver les citoyens européens à apprendre des langues, y compris celles qui sont moins diffusées. Son dernier objectif est de soutenir l'apprentissage des langues tout au long de la vie afin de répondre aux évolutions économiques, sociales et culturelles de notre continent.

3. Quels en sont les principes ?
Toute compétence est valorisée, qu'elle ait été acquise à l'intérieur ou à l'extérieur du système d'éducation formelle. Le PEL est la propriété de l'apprenant qui le met à jour régulièrement. Il est lié au Cadre européen commun de référence pour les langues et, pour être validé, il doit respecter un ensemble de directives communes pour tous les Portfolios.

4. Quelles en sont les fonctions ?
Le PEL a tout d'abord une fonction de présentation : il témoigne de l'itinéraire d'apprentissage et des compétences de son propriétaire dans différentes langues. Il consigne aussi ses contacts significatifs avec d'autres cultures et ses expériences personnelles langagières et interculturelles.
La deuxième fonction est de type pédagogique. Le PEL aide les apprenants à faire le point sur les niveaux de compétence qu'ils ont atteints en langues. Il se propose aussi de stimuler chez l'apprenant la capacité de réflexion sur les expériences faites, pour qu'il devienne plus conscient de son propre processus d'apprentissage. Il l'aide enfin à gérer son parcours d'acquisition et de formation et à orienter ses choix et ses priorités.

5. Comment est-il structuré ?
La double fonction du PEL se retrouve dans les trois éléments qui le composent. Le Passeport des langues offre une vision d'ensemble sur l'état des connaissances linguistiques et informe, en résumé, sur les expériences linguistiques et les expériences interculturelles de son propriétaire. La Biographie langagière documente les étapes de l'apprentissage linguistique d'une personne et contient des instruments pour l'auto-évaluation qui permettent au détenteur la réflexion et la programmation de son apprentissage.
Le Dossier rassemble et présente une sélection de travaux personnels qui démontrent, sur la base d'exemples concrets, ce que son possesseur sait faire dans les différentes langues.

6. Combien de PEL existe-t-il?
Le PEL est disponible en plusieurs versions qui s'adaptent aux besoins de différentes tranches d'âge et à des contextes nationaux ou régionaux divers. Toutes les versions visent cependant les mêmes objectifs et respectent les mêmes principes et la même structure en trois parties. Jusqu'à présent, les PEL validés par le Conseil de l'Europe sont au nombre de 65.

7. Quand peut-on l'utiliser ?
En dehors du contexte de la classe ou d'un cours de langue, les occasions sont nombreuses de présenter un PEL à jour : lors d'un transfert scolaire, du passage à un cycle supérieur d'enseignement, du début d'un cours de langue, de la rencontre avec un conseiller professionnel ou de la candidature à un nouveau poste.

8. Quel futur pour le PEL ?
Les Ministres de l'Éducation de tous les pays membres du Conseil de l'Europe ont récemment recommandé que les gouvernements, en accord avec leur politique éducative, soutiennent l'introduction et l'utilisation du Portfolio européen des langues dans leurs pays. Au niveau de l'Union Européenne, le PEL est l'un des cinq documents qui composent l'Europass - http://europass.cedefop.eu.int - un outil qui vise à instaurer un cadre unique pour la transparence des qualifications et des compétences (Décision n. 2241/2004/CE du Parlement européen). En Italie, le MIUR considère la diffusion du PEL comme l'une des actions prioritaires du projet “ L'Europe de l'instruction ” qui se propose de promouvoir la dimension européenne de l'éducation dans notre pays.

Gabriella Vernetto


Manuela Madiai
Nadia Rosaire

Notes
(1) Gabriella Vernetto est référente pour les certifications bi-plurilingues – Porfolio auprès du Bureau de l’inspection technique (UIT) de la Surintendance aux études d’Aoste.
(2) Notre établissement a choisi le PEL (Portfolio européen des langues) - collège n° 44-2003 élaboré par Véronique Castellotti, Daniel Coste, Danièle Moore, Christine Tagliante.


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