Guido Crepax. Les mille visages de Valentina
L'Assessorat des Biens culturels, du Tourisme, des Sports et du Commerce de la Région autonome Vallée d'Aoste annonce que l’exposition Guido Crepax. Les mille visages de Valentina ouvrira ses portes au public samedi 12 juin 2021, à 10 h au Centre Saint-Bénin d’Aoste.
Consacré à l’un des maîtres de la bande dessinée d’auteur parmi les plus célèbres et populaires, cet événement est organisée par la structure Expositions et promotion de l’identité culturelle, avec pour commissaire Alberto Fiz et la collaboration de l’Archivio Crepax.
L’exposition présente plus de cent œuvres dans le cadre d’un aménagement spectaculaire, où le visiteur peut traverser des locaux thématiques qui dialoguent entre eux et sont enrichis de mannequins, de silhouettes tridimensionnelles et de tapisseries d’auteur. Avec les planches originales les plus emblématiques de Guido Crepax, cette exposition, comportant sept sections, permet d’apprécier sa quête artistique polyédrique, grâce à des documents d’archives, des couvertures de disques, des objets de design, des vêtements, des paravents, des études pour la publicité, de grands jeux tridimensionnels et bien d’autres choses encore. C’est Valentina qui est au premier plan : la plus célèbre de ses icônes s’est affranchie des frontières de la bande dessinée pour devenir un personnage contemporain, en mesure d’influencer l’histoire de la mode et des mœurs. Elle est présentée à travers une série d’œuvres qui en décrivent le caractère absolument unique dans l’histoire de la bande dessinée, parce que son image naît de la contamination entre le mythe (l’actrice Louise Brooks) et la réalité (Luisa, l’épouse de Guido). La fusion de ces deux âmes a permis de développer un personnage qui représente les différents aspects de l’univers féminin et qui, comme les grandes figures du cinéma et de la littérature, survit à son auteur.
Cette exposition propose un parcours entraînant présentant les différents aspects de la recherche de Crepax, à partir de L’Uomo Invisibile, la première histoire qu’il ait dessinée, à douze ans seulement. Les débuts de cet artiste sont caractérisés par son attention pour la musique (son père était premier violoncelle de l’orchestre de la Fenice de Venise) et, à partir de 1953, il réalise plus de 300 couvertures de disques, en partie présentées dans cette exposition. La musique est une constante de ses bandes dessinées qui font référence au rock (et notamment aux incontournables Beatles), ainsi qu’au jazz, avec Charlie Parker et Dizzy Gillespie. Une attention particulière a aussi été réservée aux jeux : Crepax était en effet passionné par la reconstitution historique d’événements, qui se transforment en parcours tridimensionnels illustrant, par exemple, les batailles piémontaises de la Campagne d’Italie, mais il avait créé aussi des jeux consacrés à la boxe ou aux voyages de Marco Polo.
Le cinéma et le théâtre revêtent également une importance fondamentale et la section qui leur est réservée s’étend également à la photographie et à la télévision. Les histoires de Crepax sont de véritables séquences cinématographiques en bandes dessinées, avec des montages, des cadrages ou des premiers plans, mais aussi des références permanentes à Eisenstein, Pabst, Antonioni ou Truffaut. L’art et la littérature, deux autres thèmes fondamentaux dans l’œuvre tous azimuts de Crepax, sont aussi explorés en détail. Ces sections présentent les aventures dans lesquelles sont impliqués de grands maîtres, tels que Kandinsky ou Moore (une histoire est consacrée à chacun d’entre eux, Il falso Kandinsky et La Sindrome di Moore), ainsi que Manet (avec la citation transgressive de l’Olympia figurant dans l’exposition) et Magritte. Le dialogue prévoit également la réinterprétation d’œuvres classiques de la littérature et concerne, entre autres, Poe, Stevenson (les planches tirées de Dottor Jekyill e Mister Hyde sont particulièrement significatives), Diderot et le marquis de Sade. Autre domaine innovant, celui de la mode, du design et de la publicité, qui présente des vêtements et des objets inspirés par la poétique de Crepax, tels que des lampes, des panneaux vitrés, des paravents et des carrelages. De Versace à Krizia, en passant par Castiglioni et Eileen Gray, la dialectique liée aux différents aspects de la créativité contemporaine se poursuit. Avec Valentina, l’exposition analyse les autres personnages féminins (Valentina et les autres) et, notamment, Bianca et Anita, qui animent l’univers créatif de l’artiste, souvent caractérisé par une forte composante onirique.
L’exposition s’achève par un coup de théâtre : une reconstitution de l’atelier de Crepax, voyageur immobile, avec sa table de travail et l’immanquable étui du violoncelle de son père, qui figure dans plusieurs images de ses bandes dessinées. Dans la même salle, il sera également possible de voir une vidéo qui retrace le parcours créatif de ce grand auteur.
L’exposition est assortie d’un livre, en italien et français, publié par Gli Ori, qui contient les images de l’exposition et des textes critiques, avec les interventions d’Antonio Crepax, Alberto Fiz et Daria Jorioz. Cette publication est enrichie par une interview du réalisateur Mario Martone, qui a collaboré avec Crepax dans le domaine du théâtre, des souvenirs de Luisa Crepax, l’épouse de l’artiste récemment disparue, ainsi que d’une interview imaginaire avec Valentina. Enfin, une ample anthologie critique présente notamment les témoignages de Roland Barthes, Umberto Eco, Alain Robbe-Grillet, Giorgio Manganelli, Gillo Dorfles et Achille Bonito Oliva.
Guido Crepax
Guido Crepax, dont le vrai nom était Guido Crepas, naît à Milan le 15 juillet 1933. Il est considéré comme l’un des plus importants auteurs italiens de bandes dessinées et figure parmi les personnalités les plus connues au niveau international. Il obtient une maîtrise en architecture en 1958 alors que, depuis quelques années, il travaille déjà comme graphiste et illustrateur, créant des posters, des affiches publicitaires, des illustrations et des couvertures de revues, de livres et de disques pour d’importants musiciens et chanteurs italiens et étrangers. En 1957, sa première campagne publicitaire pour l’essence Shell remporte la Palme d’or. Il crée des campagnes publicitaires pour Campari, Standa, Rizzoli, Dunlop, Iveco, Fuji, Breil, Honda et beaucoup d’autres entreprises. En 1958, il commence à collaborer avec Tempo Medico, la première revue médicale italienne, pour laquelle il dessine plus de deux cent couvertures et crée une rubrique fixe de bandes dessinées à thème scientifique, qui dure jusqu’au milieu des années 1980. En 1965, Crepax entre dans le monde de la bande dessinée et crée le personnage qui l’a rendu célèbre dans le monde entier, Valentina. Celle-ci apparaît pour la première fois sur la revue de bandes dessinées Linus, en tant que personnage secondaire d’une histoire mêlant les genres du noir et de la science-fiction. C’est une photographe de vingt-trois ans, fiancée à Philip Rembrant, critique d’art aux pouvoirs étranges, connu également sous le nom de Neutron. Valentina est l’une des rares héroïnes de bande dessinée dans un univers généralement masculin et elle est la seule à avoir vieilli en même temps que son auteur. Crepax a créé plusieurs autres personnages, des figures féminines fascinantes pour la plupart, protagonistes d’histoires caractérisées par un érotisme recherché. Certaines d’entre-elles naissent de l’adaptation d’œuvres littéraires, tandis que d’autres, comme Belinda, Bianca, Anita, Giulietta et Francesca, sont le fruit de la fantaisie du dessinateur. Crepax est aussi l’auteur de transpositions méticuleuses et raffinées de certains classiques de la littérature (d’Emmanuelle à Histoire d'O, en passant par Justine, Venere in pelliccia, Dracula, Frankenstein, Dottor Jekyll et Giro di vite) auxquels s’ajoutent certaines œuvres d’Edgar Allan Poe et de Franz Kafka.Crepax a réalisé plus de cinq mille planches de bandes dessinées et ses livres ont été publiés en deux cent éditions environ, dans les principales langues. Au fil de quarante années d’activité, il a également créé des centaines d’illustrations pour des journaux et des livres, des accessoires d’ameublement et des projets dans les domaines de la mode et du design. Il a travaillé aussi pour le théâtre, le cinéma et la télévision et est l’auteur de lithographies où il exprime sa veine artistique sans rapport avec la bande dessinée. Ses expositions personnelles ont été nombreuses, en Italie comme à l’étranger. Le passe-temps préféré de Crepax était d’inventer des jeux de table avec des références historiques. Atteint d’une forme grave de sclérose en plaques, Guido Crepax est décédé le 31 juillet 2003. Il avait épousé Luisa Mandelli, l’inspiratrice de Valentina, disparue le 1er novembre 2020, et ce sont leurs trois enfants, Antonio, Caterina et Giacomo, qui gèrent maintenant les archives Crepax.
Centre Saint-Bénin - Aoste
12 Juin 2021 - 31 Octobre 2021