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Portfolio de la langue française1

Le Conseil de l’Europe mène depuis des années une réflexion sur l’enseignement / apprentissage des langues, dans le souci de favoriser la mobilité éducative et professionnelle, d’encourager l’apprentissage de plusieurs langues et de promouvoir la formation du citoyen européen et le développement personnel, dans un esprit de tolérance pour autrui. Au cours des années 90, il a élaboré un Cadre européen commun de référence qui définit six niveaux de compétences langagières et qui sert de base pour l’élaboration de programmes, de manuels et de cours ainsi que pour décrire de manière claire et efficace les acquis en langue.
De 1998 à 2000, la Division Langues Vivantes a également développé un Portfolio des langues qui devrait permettre " aux apprenants d’établir un bilan de leurs qualifications, et de présenter leurs compétences de façon transparente sur le plan transnational "2. Le Portfolio devrait aussi aider l’apprenant " à se situer par rapport à son propre projet éducatif, en renforçant sa motivation par l’aptitude à planifier, gérer et évaluer son apprentissage "3. Il permettrait enfin " à l’enseignant ou au formateur de mieux comprendre les besoins de l’apprenant, de négocier les objectifs d’apprentissage, de stimuler la motivation et de programmer le parcours éducatif "4.
Plusieurs Portfolio, adaptés aux exigences de l’organisme qui les a conçus, comme des Ministères, des Centres de recherche ou des établissements scolaires, ont vu le jour. Il suffit de visiter le site web du Conseil pour se rendre compte du foisonnement des expériences en cours5.
Le projet " Portfolio de la langue française " du Lycée Technique Commercial et pour Géomètres d’Aoste se fonde sur le Cadre européen commun de référence du Conseil de l’Europe et adhère aux principes généraux du projet pour le Portfolio des langues, mais il a été adapté à la réalité scolaire valdôtaine et " axé sur les besoins des apprenants de cette tranche d’âge et de cette filière "6.

Origine du projet

Ce Portfolio de la langue française découle d’une réflexion sur l’enseignement du français dans un contexte d’éducation bilingue, qui a démarré il y a 5 ans, à l’époque où, Mme Irene Jache et moi étions chargées de mission pour l’introduction de l’éducation bilingue au lycée. En collaboration avec Mme Kahn, chercheur à l’École Normale de Lyon, nous avions entamé une réflexion sur le curriculum de français au lycée et sur le rôle de l’apprentissage de cette langue à l’intérieur d’un système scolaire qui prévoyait l’enseignement d’une ou plusieurs disciplines en langue seconde et le passage progressif d’un enseignement bilingue à un enseignement plurilingue.
Il était important, d’après nous, de définir un curriculum cohérent, de la première à la terminale, qui tienne compte des compétences linguistiques et langagières, thématiques - culturelles, voire interculturelles, et formatives ainsi que des compétences transversales telles que " faire un compte rendu ", " utiliser un dictionnaire ", " faire un exposé oral ".
Nous nous demandions comment faciliter l’évaluation de savoir, de savoir-faire, de savoir-être et de savoir-devenir qui, en principe, ne devaient plus seulement s’acquérir pendant les heures de français, mais aussi au cours de projets bilingues et de séquences en français d’autres disciplines.
En outre, après plusieurs années d’étude de la langue, nous avions l’impression que nos élèves avaient encore du mal à la maîtriser et qu’il fallait tout refaire dès le début. Nous n’avions aucune description de leurs compétences, aucune trace de leurs apprentissages précédents, mais si on essayait de recommencer à zéro, cela ne portait pas de fruits, au contraire les élèves étaient de plus en plus démotivés et ennuyés.
Et voilà un autre problème, et de taille, celui de la motivation des élèves. Comment motiver des élèves qui ont étudié la langue française pendant 8 ans et qui ont l’impression d’avoir déjà tout fait ? Or, nous estimons que la motivation passe, entre autre, par une prise de conscience de ce que l’élève sait et par la présentation, de manière transparente et claire, de ce qu’il devrait savoir, de ce qu’on lui demande.
Le projet du Conseil de l’Europe semblait donc offrir une solution à nos problèmes.

Portfolio de la filière géomètres

Élaboré et expérimenté entre 1997 et 2001, le Portfolio de la filière géomètres prévoit deux versions : la première est conçue pour les apprenants de 14 à 16 ans (Biennio), l’autre pour les élèves qui se présentent à l’Examen d’État, afin de bien marquer la distinction entre les fonctions pédagogiques et la fonction de présentation du Portfolio.
En effet, le Portfolio pour le " Biennio7 ", décrit dans le détail les compétences que les élèves doivent acquérir. C’est " un document de travail à usage interne, favorisant un processus d’acquisition d’autonomie et d’auto-évaluation et facilitant une progression dans l’apprentissage du français à travers la prise de conscience de ses propres acquis et des mécanismes qui sont à la base de sa propre évolution. C’est également un instrument de standardisation des résultats scolaires et de leur diffusion auprès des élèves, des parents et de l’institution scolaire "8. Il se compose : de la Biographie d’apprentissage, qui présente l’histoire des apprentissages linguistiques ; de la Vue d’ensemble qui montre le profil standard des savoir-être/devenir, des savoir-faire/apprendre et des compétences linguistiques atteintes par rapport aux niveaux fixés par le Conseil de l’Europe ; des Fiches d’auto-évaluation qui définissent de façon ponctuelle les compétences acquises ; du Dossier qui contient des échantillons de travaux personnels de l’élève ; de la liste des Annexes qui détaille les produits que l’élève a réalisés et du Passeport des langues qui indique les attestations et les diplômes.
Le deuxième Portfolio décrit les compétences de l’élève à la fin du cycle scolaire et lui sert pour poursuivre ses études et pour présenter de manière transparente, à un employeur éventuel ou à l’université, ce qu’il a appris au cours de ses années au lycée. Il comporte les mêmes parties que le Portfolio du " Biennio ", à l’exception des fiches d’auto-évaluation détaillée, celles-ci constituant des instruments de travail.

Quelles sont les limites de ce projet ?

Adapté à des exigences bien précises, son utilisation ne peut être généralisée et il ne peut donc être transposé tel quel dans un autre contexte. Si certaines fiches peuvent être également utilisées dans d’autres réalités scolaires, le Portfolio, dans son ensemble, reste un outil conçu pour la filière géomètres du lycée technique d’Aoste, à un moment donné. Et encore, si un enseignant utilise une fiche en dehors du cadre global dans lequel elle a été prévue, il risque d’en dénaturer la portée.
Une deuxième limite, c’est que ce Portfolio ne peut être utilisé que par un enseignant qui partage les principes didactiques qui sont à la base du projet du Conseil de l’Europe : un professeur qui pratique un enseignement plutôt traditionnel, fondé principalement sur des apprentissages grammaticaux, trouverait probablement cet outil superflu.
De plus, il ne concerne, en grande partie, que la langue française. Pour des raisons diverses, il n’a pas été possible de prévoir un document analogue pour les autres langues, même si, en réalité, certaines fiches d’auto-évaluation détaillée du Portfolio pour le " Biennio " concernent des savoir-faire qui sont transdisciplinaires, comme par exemple " organiser un classeur " ou " faire un dossier " et qu’il présente des parties montrant globalement les compétences et les diplômes acquis.
Bien évidemment, il présente, enfin, une limite majeure qui ne dépend pas de notre " juridiction ". Les élèves sont obligés de reconstituer l’histoire de leur apprentissage à rebours. Il serait, par contre, fort utile qu’ils arrivent déjà au lycée avec un Portfolio illustrant leurs apprentissages précédents.

Quels en sont, par contre, les points forts ?

Tout d’abord, le Portfolio permet de rendre compte des compétences acquises, à des moments différents et dans des situations différentes, et de les valoriser. Les élèves retrouvent dans ce document les activités et les apprentissages qui découlent de la participation à un projet européen, à un projet d’échange, à un projet bilingue, à un séjour à l’étranger, à une sortie... Cet ensemble devient une esquisse de ce qu’ils ont fait et de ce qu’ils ont appris en langue française au cours de l’année scolaire, mais aussi des approches à d’autres langues et à d’autres cultures.
De plus, le Portfolio contribue à la cohérence horizontale et verticale dans l’apprentissage de la langue. L’enseignant et l’élève savent, à chaque moment de l’activité scolaire, où ils en sont dans leur parcours d’enseignement/ apprentissage, ce qui favorise la construction des compétences/apprentissages, l’auto-évaluation et l’autonomie des apprenants et permet également d’accroître leur motivation, en les encourageant à évaluer eux-mêmes leur travail. En outre, le passage d’une classe à l’autre, d’une section à l’autre se fait dans la continuité.
Enfin, il se présente comme un document à valeur transnationale, car il décrit les compétences de l’élève à partir d’un Cadre européen qui est largement diffusé et utilisé. Il permet de présenter les qualifications atteintes de manière claire et transparente et il devient un instrument qui facilite la poursuite de l’apprentissage des langues même en dehors du contexte scolaire.

Quelles perspectives pour le futur ?

Pour obtenir, si possible, une reconnaissance officielle, le Portfolio de la filière géomètres va être soumis au Comité de validation pour PEL de la Division Langues Vivantes, qui doit vérifier sa cohérence par rapport au projet du Conseil de l’Europe et sa conformité aux Principes et lignes directrices émis par le Comité de l’éducation.
Ensuite, il reste à produire les fiches d’auto-évaluation détaillée pour les élèves du " Triennio9 ", sur le modèle de celles pour le " Biennio " et un livre du professeur pour aider les nouveaux enseignants à exploiter au maximum cet outil.
Il serait fort souhaitable, en outre, de compléter cette réflexion par l’élaboration de Portfolio pour d’autres disciplines comme les sciences, les maths, l’informatique. D’ailleurs, le document que nous présentons prévoit déjà des fiches pour décrire les compétences informatiques qu’on utilise en classe de langue, par exemple l’utilisation d’un logiciel de traitement de texte.
Il serait important enfin que d’autres Portfolio soient élaborés pour les autres niveaux scolaires afin que les élèves arrivent au lycée avec une description de leurs apprentissages antérieurs.

Gabriella Vernetto
Professeur de langues. Elle s’occupe de projets européens (projet Deure BDP/Ministère)
et de nouvelles technologies (projet IRRSAE documentalistes).

Notes:
1 Cette communication a été réalisée en collaboration avec Mme Irene Jache, professeur de français au Lycée Technique Commercial et pour Géomètres d’Aoste jusqu’en 2000-2001 et co-auteur du Portfolio de la langue française
2
I. Jache, G. Vernetto, (1998) "Enseignement / apprentissage de la langue française à l’école secondaire du 2ème degré", L’École Valdôtaine, n. 41 septembre 1998, p. 66

3
Ibidem
4
Ibidem

5 http://culture2.coe.int/portfolio
6
G. Porté (2001), "Présentation" du Portfolio de la langue française, niveau Biennio, Lycée Technique Commercial et pour Géomètres, Aoste , p. 2

7
Le "Biennio" correspondant aux deux premières années de lycée
8
Ibidem
9
Le "Triennio" correspond aux trois dernières années de lycée

 

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