link home page
link la revue
link les numéros
link web école
links

L’Union Européenne
et l’apprentissage des langues

Mesdames et Messieurs, bonjour.

Je suis très heureuse de pouvoir participer à vos travaux, même à distance, et je voudrais commencer par féliciter les organisateurs pour le choix du titre de la conférence qui, effectivement, est particulièrement approprié. Le lien entre l’apprentissage des langues et la citoyenneté européenne n’est pas toujours évident pour tout le monde et nous constatons, une fois de plus, que nous avons beaucoup à apprendre des régions qui sont frontalières, des régions qui sont bilingues.
Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est bien parce que c’est l’Année européenne des langues, or j’ai entendu qu’on vous en a déjà parlé dans l’introduction, donc je vais être très brève.
Pour nous, l’Année européenne des langues est une occasion pour passer le message de la richesse linguistique et culturelle en Europe et de la nécessité d’apprendre des langues tout au long de la vie. C’est aussi une occasion pour avoir un débat, un débat comme vous allez aussi avoir aujourd’hui, et là je voudrais simplement attirer votre attention sur la disponibilité de nouvelles informations.
Je pense qu’on vous a distribué une feuille qui vous donne les références de ces informations. Il s’agit notamment des résultats d’une étude qui a été effectuée par le réseau d’information dans l’éducation, EURYDICE, sur la place des langues dans le système éducatif et également les résultats d’une enquête effectuée au début de cette année dans EUROBAROMETRE sur ce que pensent les Européens des langues. Des informations particulièrement importantes ont résulté de cette enquête.
Quelles sont les activités pour l’Année européenne des langues ? C’est une grande campagne d’information. Il y a un site Web qui vous donne tous les renseignements, et du matériel d’information. Nous avons eu aussi l’occasion de co-financer quelque 200 projets. Il reste maintenant quatre mois devant nous avec beaucoup d’activités. La journée des langues du 26 septembre sera le point fort de ces derniers quatre mois.
Et puis il y aura également la clôture de l’Année européenne qui aura lieu à Bruxelles dans le cadre de la présidence belge de l’Union Européenne, début décembre. L’Année européenne, pour nous, doit être un moment fort dans le domaine de la promotion de la diversité linguistique et de l’apprentissage des langues, mais ce ne sera pas la fin des activités, comme ce n’est pas non plus le début des activités.
Avant d’entrer dans le sujet de l’apprentissage des langues, je voudrais en guise d’introduction parler de la politique linguistique dans un contexte européen, parce que nous constatons très souvent que trois sujets importants sont mélangés. Ces trois sujets sont la communication entre l’Union Européenne et les citoyens, la communication à l’intérieur des Institutions et les langues qui sont utilisées par les citoyens dans la vie de tous les jours.
Lorsqu’on pense à la communication entre l’Union Européenne et les citoyens, nous devons garder à l’esprit que l’Union Européenne n’est pas une construction intergouvernementale. C’est une construction supranationale puisque l’Union Européenne peut prendre des décisions - elle peut légiférer - et ses décisions ont une influence directe sur la vie des citoyens ; il est donc tout à fait normal que tous les textes soient disponibles dans toutes les langues officielles des Etats membres de l’Union Européenne.
Il est normal aussi que les citoyens puissent communiquer directement avec l’Union Européenne dans leur langue, et je voudrais souligner que cette approche est fixée dans le Traité. Ce point doit être vu séparément de la communication à l’intérieur des Institutions; les langues dans lesquelles les fonctionnaires communiquent entre eux (qu’ils appartiennent à la même Institution, à des Institutions différentes, au niveau européen ou national) n’influencent en rien le caractère démocratique de la construction européenne.
Tout ceci n’a pas d’influence sur les langues dont les citoyens de l’Union Européenne ont besoin dans la vie de tous les jours. De quelles langues ont-ils besoin et pourquoi en ont-ils besoin ? C’est ce point-ci qui, je pense, nous intéresse particulièrement dans l’Année européenne des langues.
Pourquoi l’apprentissage des langues est-il important pour les citoyens européens ? Connaître les langues est nécessaire pour pouvoir être mobile.
La libre circulation est un droit qui est conféré par le Traité directement aux citoyens européens. Maintenant que les frontières nationales disparaissent pour les biens et les services, il serait dommage que de plus en plus d’Européens ne se déplacent pas à l’intérieur de l’Union Européenne. L’Union Européenne est aussi un marché unique, ce qui permet aux échanges commerciaux de se développer (bien entendu ces échanges commerciaux ne se limitent pas à l’intérieur de l’Union Européenne). Tout le monde sait que dans le cas d’échanges commerciaux la langue du client est importante et qu’on a de plus en plus besoin de travailleurs employés avec des compétences en langues étrangères.
Revenons un moment à la citoyenneté européenne. Cela signifie se sentir un citoyen de l’Union Européenne, bien entendu, en plus de citoyen d’une commune, d’une région, d’un Etat membre etc. Or, pour cela, il faut apprendre à connaître les autres, et les autres, très souvent, parlent d’autres langues. L’apprentissage des langues étrangères est étroitement lié à la culture. Il permet de comprendre plus facilement le point de vue de l’autre et il contribue à apprendre la tolérance, l’ouverture et la coopération. Et ce sont là des compétences dont chaque communauté a besoin pour être une communauté réellement vivante. Et l’Union Européenne ne constitue certainement pas une exception à cette règle. Donc, si nous voulons construire l’Europe des citoyens, une Europe dans laquelle les citoyens sont bien informés, larges d’esprit et qui peuvent bien comprendre leurs voisins, alors là l’apprentissage des langues a un rôle clé à jouer.
Nous avons demandé dans l’enquête EUROBAROMETRE aux Européens pourquoi ils apprendraient une autre langue. Presque la moitié voudrait l’utiliser pendant les vacances, mais beaucoup aussi veulent apprendre des langues pour leur satisfaction personnelle.
Seulement 28% apprendrait une langue s’il pouvait l’utiliser dans leur travail. Toutefois 93% des parents trouvent qu’il est important que leurs enfants apprennent des langues, et 74% pensent que cela améliorerait leurs perspectives d’emploi.
Un peu plus de la moitié des citoyens de l’Union Européenne parlent une autre langue que leur langue maternelle et 28%, à peu près un quart, parlent deux autres langues. Il y a une très grande différence entre les personnes les plus âgées et les plus jeunes, et aussi entre celles qui sont aux études ou à l’emploi. 41% parlent l’anglais comme langue étrangère, 19% le français, 10% l’allemand et 7% l’espagnol.
Nous avons demandé aussi aux Européens où ils apprennent des langues, et là l’enquête fait ressortir qu’ils apprennent des langues surtout à l’école, et surtout à l’école secondaire, donc là je pense qu’il y a encore des choses à changer. Les raisons qui découragent les Européens à apprendre des langues sont d’abord le manque de temps, le manque de motivations, le coût et le manque de confiance en soi : "Je ne peux pas apprendre des langues".
Face à cette situation il faut d’abord convaincre les Européens à apprendre des langues et à continuer à en apprendre tout au long de la vie, c’est l’objectif principal de cette Année européenne des langues.
C’est dans ce contexte aussi qu’il faut voir l’objectif que la Commission avait fixé dans le Livre Blanc, Enseigner et Apprendre, qu’elle avait adopté en 1995 : langue maternelle + deux autres langues. Si on quitte l’école ou la formation initiale avec deux langues en plus de la langue maternelle, on a une bonne base pour poursuivre l’apprentissage des langues au fur et à mesure que le besoin se fait sentir. L’apprentissage d’une seule langue, dans beaucoup de cas l’anglais, ne constitue certainement pas une base suffisante. Ensuite, nous devons faire en sorte que l’apprentissage des langues devienne plus accessible, devienne de meilleure qualité et plus diversifié, et là je pense que c’est un sérieux défi.
Quel est maintenant le rôle de la Commission dans tout cela ? Le Traité a fixé que les Etats membres sont responsables du contenu et de l’organisation du système éducatif. L’Union Européenne peut contribuer à l’amélioration de la qualité de l’éducation, en encourageant la coopération entre les Etats membres et en complétant leur action.
Il est donc tout à fait clair que nous allons faire des progrès seulement en faisant des efforts à tous les niveaux et en coopération. Le rôle de la Commission peut donc être en premier lieu de promouvoir le débat.
J’ai déjà mentionné le Livre Blanc sur l’éducation et la formation. Après son adoption, des débats ont eu lieu sur plusieurs thèmes : l’apprentissage précoce, l’enseignement d’autres matières à l’aide de langues étrangères, aussi appelé enseignement bilingue ou enseignement plurilingue, un sujet dont vous avez beaucoup d’expérience en Vallée d’Aoste. Il y aussi la compréhension multilingue (apprendre à comprendre les langues d’une même famille).
Pour revenir un moment à l’enseignement plurilingue, nous avons co-financé la création d’un réseau qui s’appelle Euroclic : c’est un réseau interactif pour des écoles, des enseignants, des chercheurs et autres, impliqués dans ce type d’enseignement.
Deuxièmement, je pense que la Commission peut jouer un rôle de catalyseur pour que les Etats membres travaillent ensemble pour partager de bonnes pratiques, pour trouver de nouvelles solutions à des problèmes. La Commission a pris aussi l’initiative, après l’adoption du Livre Blanc, de créer un label européen qui est attribué aux initiatives innovantes dans le domaine de l’enseignement et de l’apprentissage des langues pour, d’une part, encourager les promoteurs et, d’autre part, diffuser les résultats.
En troisième lieu, et c’est très important également, la Commission peut financer des projets pratiques et concrets.
La Commission travaille dans le domaine de l’apprentissage des langues depuis 1990, année où le programme " Lingua " a été lancé, pour améliorer la quantité et la qualité de l’apprentissage des langues en Europe.
Ensuite, les actions du programme " Lingua " initial ont été étendues et intégrées dans les programmes " Socrates " et " Leonardo Da Vinci " qui ont entamé leur deuxième phase en 2000. Cela fait donc plus de vingt ans d’investissements et d’actions autour de différentes activités : des projets transnationaux pour améliorer la formation des enseignants, l’attribution de bourses individuelles qui permettent à des enseignants de participer à des stages de formation continue dans un autre pays ; le financement de bourses pour des assistants " Lingua " qui ont été accueillis dans une école d’un autre pays où ils ont enseigné leur langue maternelle et appris la langue de leur hôte. Chaque année aussi quelque 30.000 jeunes participent à des échanges linguistiques où ils travaillent ensemble avec des partenaires dans des écoles ou d’autres institutions éducatives dans d’autres pays européens.
Des millions ont été investis également dans le développement d’outils d’apprentissage des langues et d’évaluation des compétences linguistiques, des outils qui ne seraient pas développés par le marché et qui n’existeraient pas aujourd’hui sans l’aide de l’Union Européenne.
Il y a, entre autres, le projet " Dialang " qui est en train de se terminer et qui doit permettre à chacun d’évaluer ses compétences en 14 langues à partir de 14 langues.
La nouvelle action " Lingua 1 " qui a été créée dans la deuxième phase de " Socrates " permettra de continuer le travail de sensibilisation aux avantages de l’apprentissage des langues et l’amélioration de l’accès aux formations en langue. Tout ceci démontre que l’Union Européenne est vraiment impliquée dans la promotion de l’apprentissage des langues en Europe depuis longtemps et qu’elle continuera à le faire.
Avant de conclure, je voudrais très brièvement, en mots clé, vous livrer quelques pistes de réflexions au sujet de l’apprentissage des langues tout au long de la vie.
Il faut là repenser le parcours éducatif en langue qui commence dans l’enseignement préscolaire et primaire, poursuivi dans l’enseignement secondaire et supérieur, la formation professionnelle et l’éducation des adultes.
Il faut essayer de développer une approche cumulative et une continuité dans l’enseignement des compétences linguistiques. Il faut aussi apprendre à apprendre les langues. Les langues et cultures de l’Europe devraient être incluses dans chaque programme d’étude scolaire et dans chaque cours d’étude au niveau d’enseignement supérieur qui est souvent encore un moment où on a l’occasion d’oublier les langues qu’on a apprises pendant l’enseignement secondaire. Et pourquoi est-ce qu’on ne libérerait pas plus de temps pour l’enseignement des langues aux jeunes enfants de 3 à 8 ans, âge pendant lequel, il est bien connu, les enfants apprennent facilement les langues ?
Un fait qui mérite aussi réflexion est l’existence de trois grandes familles linguistiques qui englobent presque toutes les langues de l’UE : les langues germaniques, les langues romanes et bientôt aussi les langues slaves.
On pourrait apprendre une langue de chacune de ces familles, un capital de base autour duquel on pourrait construire d’autres compétences.
En parlant de compétences, on verra certainement le développement de nouveaux types de compétences, parce que chaque personne ne doit pas, pour toutes les langues, d’une part, atteindre le niveau d’un natif et, d’autre part, avoir la même compétence dans le parlé, l’écrit, la lecture et l’écoute. Ceci nous amène à la compréhension multilingue. On peut apprendre à comprendre plusieurs langues en partant d’une langue de la même famille linguistique : lorsqu’on connaît le français, il est plus facile d’apprendre à comprendre l’italien, l’espagnol etc., lorsqu’on vous livre les particularités de ces différentes langues.
Il faudra aussi veiller à valoriser au maximum toutes les compétences de chaque individu (j’ai déjà mentionné Dialang qui permettra d’évaluer les compétences dans toutes les langues, il y a aussi le concept de Portfolio du Conseil de l’Europe).
Il ne faut pas, je pense, avoir peur de l’innovation.
Les nouvelles technologies, l’apprentissage ouvert et à distance et l’apprentissage autonome peuvent faciliter l’apprentissage des langues. Il faut aussi vouloir profiter des simples opportunités pour apprendre des langues dans la vie quotidienne, par exemple en regardant des films qui sont sous-titrés plutôt que doublés ou aussi en valorisant les avantages de la proximité d’autres langues au-delà des frontières ou à l’intérieur des frontières ; par exemple, c’est le cas des grandes villes où beaucoup de langues sont présentes.
Les langues doivent bénéficier de la priorité qu’elles méritent. On ne soulignera jamais assez combien il est important que leur enseignement soit efficace et que les écoles produisent des étudiants capables de communiquer dans une langue étrangère dans des situations réelles. Pour cela l’environnement d’apprentissage doit être approprié en termes de ressources, de temps attribué, de taille de la classe, etc.
Finalement, je voudrais souligner qu’il est essentiel d’avoir de bons enseignants. Les enseignants sont la pierre angulaire de l’enseignement de langues. Ils jouent un rôle clé comme multiplicateur en transmettant de nouvelles compétences, mais aussi comme modèle, en exemplifiant des valeurs interculturelles.
Beaucoup d’enseignants de langue vont devoir évoluer de spécialistes dans une langue vers des enseignants de langues (au pluriel) avec une compétence particulière dans une langue. A ce moment-là, outre enseignant de langues, ils seraient également eux-mêmes porteurs d’un pluralisme linguistique.
En résumé, l’objectif principal de la Commission est donc de contribuer à ce que les citoyens de l’Union Européenne deviennent des citoyens plurilingues, et je pense que dans une région comme le Val d’Aoste cet objectif doit sembler moins éloigné que dans certaines autres régions, et certains des éléments que j’ai soulignés peuvent peut-être sembler aller de soi dans le Val d’Aoste, mais ce n’est sûrement pas le cas dans toutes les régions de l’Union Européenne.
Il est certainement possible d’améliorer la situation partout, mais il est important d’utiliser aussi l’expérience accumulée dans certaines régions qui ont des caractéristiques un peu particulières.
Je vais m’arrêter là et vous remercie de votre attention.
Je suis à votre disposition pour répondre à des questions.

 Sylvia Vlaeminck
Responsable de l’Unité Politique des Langues de la Direction Générale Éducation et Culture de la Commission Européenne. Outre le développement d’une stratégie de promotion de la diversité linguistique et de l’apprentissage des langues, l’Unité est responsable de la mise en œuvre des actions linguistiques des programmes Socrates et Leonardo da Vinci, ainsi que des activités en faveur de la promotion des langues régionales et minoritaires. L’Année européenne des langues constitue également une priorité importante de l’Unité.

Notes bibliographiques
Année Européenne des Langues : www.eurolang2001.org
Étude Eurydice sur la place des langues dans les systèmes éducatifs : http://www.eurydice.org
Enquête d’opinion Eurobaromètre : http//euopa.eu.int/comm/educational/languages.html
Euroclic : www.euroclic.net
Livre Blanc,
Enseigner et Apprendre - vers la société cognitive, Commission Européenne

 

couriel