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Bloguer avec un ourson

Les voyages de Mielot est le journal de bord d’un ourson en peluche qui parcourt les écoles maternelles et primaires du Val d’Aoste pour connaître les enfants et les accompagner dans leurs activités quotidiennes.

Les voyages de Mielot - http://mielot.over-blog.com – est une initiative qui a démarré au printemps 2005 dans une classe de l’école primaire du Val d’Aoste ; elle a donné le nom au personnage et inventé sa famille ainsi que l’histoire de sa naissance. Ce projet a impliqué par la suite cinq, puis six établissements scolaires. Il s’intègre dans un projet plus vaste1de diversification des formes d’enseignement des langues, notamment à travers le jeu, la créativité et l’utilisation des TIC pour communiquer et partager, selon les indications de l’Union européenne qui prône la création d’environnements favorables à leur apprentissage.

Diversifier l’enseignement des langues

La réalisation de ce projet s’inscrit dans un contexte particulièrement sensible à l’enseignement des langues. Au Val d’Aoste, le français est non seulement langue enseignée mais aussi langue d’enseignement et ce depuis la maternelle. À ce niveau scolaire, et à l’école primaire par la suite, le français est utilisé en tant que langue véhiculaire, capable de développer les capacités expressives et les compétences communicatives des enfants.
Pour cette raison, il est utilisé dans les différentes activités didactiques (motrices, expressives, logiques, rythmiques, musicales, de socialisation, etc.) caractérisant ces niveaux. Les instituteurs accordent donc une attention particulière au temps de parole des enfants, ils veillent à la création de véritables espaces de communication authentique et les aident dans l’élaboration et dans l’exposition de leur pensée. Ils ont en outre été formés à pratiquer la pédagogie de projet, qui favorise chez les élèves la construction simultanée des connaissances disciplinaires et des compétences langagières. À l’école primaire, l’enseignement de la langue s’appuie sur la compréhension et la production de genres textuels variés concernant les situations de communication les plus diverses et veillant à induire chez l’élève une représentation de l’activité d’écriture et de parole comme le produit d’une élaboration réfléchie.

Un personnage médiateur et un blogue pédagogique

L’idée de départ était d’associer une méthodologie2 que les enseignants pratiquent déjà, à savoir l’utilisation d’un personnage médiateur, à un outil qui commençait à faire ses gammes dans le monde de l’éducation : le blogue. C’est ainsi qu’a vu le jour Mielot, un ourson en peluche, et qu’a été créé Les voyages de Mielot3, son journal de bord, où la mascotte raconte ses visites dans les classes.
Le blogue, par ses caractéristiques intrinsèques, se prêtait bien à ce type d’opération : sa création et son administration ne demandent pas des connaissances poussées en informatique et il peut être mis à jour depuis n’importe quel ordinateur. Une journée de formation a été largement suffisante pour permettre aux enseignants de gérer de manière autonome sa mise à jour et pour choisir le calendrier des activités de la mascotte. Parallèlement, il possède des outils qui facilitent la structuration et le classement des informations, tels que les catégories et les archives, et des systèmes permettant d’en suivre constamment l’évolution et la mise à jour. Au cours du premier stage de formation, les enseignants ont fixé les catégories du journal de bord en fonction des domaines d’apprentissage, des disciplines et des typologies de textes prévus au programme : Le courrier de Mielot (lettres et petits mots), Les voyages de Mielot (comptes rendus des activités de classe), On chante et on danse avec Mielot (comptines, poèmes et chansons), Le marchand de sable (contes et récits), À la découverte de la nature (sciences), Mielot et son temps (histoire, géographie), Les jeux de Mielot (jeux et sports), Les recettes de Mielot (recette de cuisine), Mielot predze patoué (activités en francoprovençal). Les albums photos permettent enfin de présenter les activités d’éducation à l’image.

Des retombées à tous les niveaux

Du point de vue pédagogique, cette expérience a connu de très bonnes retombées. Pour ce qui est de l’apprentissage de la langue, les tâches sont variées et concernent principalement des activités de :
compréhension du texte et de l’image : les élèves ont la possibilité de lire les textes que les autres enfants ou que les enseignants ont rédigés, ainsi que les commentaires et les réponses du personnage. Il s’agit de textes de typologie différente : comptines, contes, lettres, petits mots, recettes de cuisine, récits d’expériences, comptes rendus de petits travaux de recherche sur des sujets donnés ;
expression orale en interaction : à partir des images (photos et dessins) qui enrichissent le journal de bord, même les plus petits, qui ne savent pas lire, ont la possibilité de prendre la parole ;
expression écrite : les élèves peuvent écrire à Mielot ou insérer de nouveaux articles relatant leurs expériences en classe avant, pendant ou après la visite de la mascotte. La production des textes se fait à différents niveaux : en maternelle, il s’agit plutôt de textes collectifs, les enseignants acceptent la micro-alternance entre les deux langues (italien et français) et, à travers un travail de reprise et de reformulation, arrivent au texte définitif qui sera posté sur le blogue ; au primaire, le travail se fait en grand groupe, mais aussi en binôme ou individuellement. Le texte n’est publié qu’après correction. Parfois, les élèves qui maitrisent mal le français, parce qu’ils viennent d’arriver en Vallée d’Aoste, préfèrent utiliser l’italien. C’est bien évidemment le responsable du projet, professeur de langues, qui se charge de répondre aux messages et d’assurer l’interaction à distance avec l’élève ou le groupe d’élèves.
Pendant le séjour de la mascotte en classe, les enfants s’adressent à Mielot en français ; ils lui parlent doucement, parce qu’il s’agit d’un ourson timide, et répètent à voix haute aux copains et aux enseignants ce que l’animal leur souffle à l’oreille.

Si nous considérons maintenant l’initiative sous l’angle des apprentissages en TIC, nous pouvons affirmer qu’elle a permis aux enfants de :
• comprendre que le réseau est un outil de communication et une source d’informations. Pendant une activité sur les animaux qui hibernent, face à un doute de l’enseignant sur les habitudes des écureuils, un petit de la maternelle lui a suggéré de chercher la réponse sur internet, dans le blogue de Mielot ;
• se familiariser avec des outils, tels que le scanneur, l’imprimante, l’appareil photo numérique et encore des logiciels de traitement du texte et de l’image et des navigateurs, notamment chez les plus grands.

Du côté de l’enseignant, certaines problématiques ont été soulevées pendant le stage de formation, à savoir :
• l’importance de travailler dans un environnement sécurisé : quand un commentaire est posté, l’administrateur reçoit immédiatement un message électronique qui le prévient, il est donc en mesure d’intervenir dans des délais assez courts si le message est déplacé ou hors sujet ;
• le respect du droit d’auteur : le blogue adhère au code « creative commons »4, les usagers sont libres d’utiliser, reproduire et modifier le matériel publié à condition de citer le nom de l’auteur original et de ne pas l’utiliser à des fins commerciales ; en cas de modification des documents, il doit les redistribuer sous le même contrat ;
• le rapport entre espace privé et espace public, et notamment le respect des lois sur les données personnelles et le droit à l’image : les photos ne peuvent pas montrer clairement les visages des enfants sans l’autorisation écrite des parents, ce qui a poussé les enseignants à faire preuve de créativité ;
• la fiabilité des informations mises en ligne, qui doivent être vérifiées parce qu’accessibles à tout visiteur ;
• la qualité des textes à publier : c’est une contrainte nécessaire en contexte scolaire où les enseignants veillent à la correction des textes écrits. Cet aspect, que les enfants du primaire acceptent sans problème parce qu’il fait partie de leur vie de classe, poserait fort probablement problème avec des adolescents qui apprécient les blogues justement parce qu’ils sont le fruit d’une production libre et spontanée, sans contraintes de style et où les jargons, les abréviations et les codes créent un sentiment d’appartenance à une communauté d’initiés.

Si nous analysons maintenant l’initiative du point de vue de la communication, l’aspect qui ressort en premier est que tout visiteur peut contribuer à la mise à jour du blogue et, en même temps, disposer à tout moment d’une vue globale des articles publiés. Cet outil a donc favorisé la création d’une véritable communauté virtuelle de partage : elle implique non seulement les élèves des classes ayant adhéré au projet qui dialoguent avec le personnage médiateur, mais aussi d’autres classes qui visitent tout simplement les pages web et les parents qui laissent des commentaires sur les activités présentées. Les parents des enfants de la maternelle ont particulièrement apprécié cette initiative, car elle permet de faire le lien entre la famille et la vie scolaire que les petits ne sont pas encore en mesure de décrire clairement. Ils lisent les articles à la maison avec leurs enfants et savent enfin ce que leurs petits font à l’école et ce que certains mots ou expressions, dont la signification leur était obscure, signifient pour eux.
L’initiative présente enfin un aspect qui n’avait pas été envisagé au début. Le blogue est devenu un outil de documentation et de partage des pratiques de classe entre enseignants. Certains articles relatent de manière ponctuelle toutes les étapes de l’activité ; ils sont souvent accompagnés de photos qui illustrent les différentes phases, d’indications méthodologiques et de références à des outils. Désormais ce blogue est répertorié parmi les ressources pour la didactique et l’un des articles les plus consultés est celui des Expériences avec la neige à l’école maternelle.

Gabriella Vernetto
Chargée de mission pour la dimension européenne - USAS de la Vallée d'Aoste

* Cet article, publié dans la revue Le français dans le monde,
n° 351, mai - juin 2007, p. 26 - 27, est proposé ici grâce l’aimable autorisation de l’auteur.

 

Notes
1 Europe de l’instruction : initiatives pour la promotion et le développement de la dimension européenne de l’éducation, projet lancé par le Ministère de l’éducation italien en juin 2004 pour relancer le débat sur les objectifs de Lisbonne concernant l’éducation et la formation - http://www.pubblica.istruzione.it/buongiorno_europa/presentazione.shtml
2 R. Decime, (2001), « A.L.I.C.E : quelle méthodologie ? » dans L’école valdôtaine, n° 50 en ligne http://www.scuole.vda.it/Ecole/50/07c.htm
3 Hébergé sur OverBlog http://www.over-blog.com/, il est administré et mis à jour par les enseignants et les élèves qui participent au projet.
4 http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.5/deed.fr

 

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