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Aimer la géographie

L’école valdôtaine a demandé à des professeurs du secondaire du 1er degré de deux établissements de la Basse Vallée de nous faire partager quelques réflexions à propos du cours de géographie. Voici la synthèse des réponses à la vingtaine de questions posées. Peut-être que les collègues pourront y trouver quelques suggestions pour de nouveaux et plus efficaces parcours de travail.

En général, les avis des élèves sont tranchés : soit ils adorent, soit ils détestent la alberogéographie. L’idée qu’il s’agit d’une matière ennuyeuse est encore très répandue et même parmi les parents d’élèves, rares sont ceux qui la considèrent comme une matière intéressante.
Si en début d’année les élèves ne l’aiment pas, la plupart changent rapidement d’avis quand les enseignants utilisent une méthode active. Ils aiment manier les cartes géographiques, les tableaux, les graphiques pour peu qu’on leur donne des moyens d’analyse. Évidemment, ils aiment regarder des reportages et les professeurs se donnent du mal pour trouver des documents d’actualité appropriés.
Parmi les sujets abordés, certains préfèrent ceux qui ont trait à la géographie physique, d’autres sont plus sensibles à la géographie humaine et aux rapports qui lient les deux branches de la discipline. Ils demandent que l’on aborde des sujets d’actualité et ils aiment donner leur avis. Ils veulent être informés sur les guerres qui éclatent ici ou là, sur les grandes migrations actuelles et sur des thèmes qui touchent la société en général. Ils aiment tout particulièrement parler et comprendre des sujets qu’ils sentent proches d’eux, aussi bien dans l’espace que dans le temps. Ils s’amusent aussi à aborder certains thèmes par le biais de recherches : les régions d’Italie, par exemple, les pays européens ou bien les contrées lointaines. Enfin, ils apprécient beaucoup quand des experts du territoire les emmènent observer le paysage et leur donnent des clés pour l’interpréter.
Le cours magistral est souvent perçu comme ennuyeux même si, parfois, il est agrémenté de projections. En fait, les professeurs reconnaissent que les élèves ont besoin d’une méthode plus vivante, faisant appel à la recherche active.

La leçon de géographie

Pour introduire la leçon, la plupart des enseignants disent privilégier l’observation de cartes ou de photographies de paysages qui permettent de dégager des caractéristiques géographiques significatives.
La démarche a pour but d’amener les élèves à déceler les causes et les conséquences de certains phénomènes et, partant de leurs observations, de tenter une interprétation.
Dans les classes, les enseignants proposent de consulter les atlas, les cartes physiques ou thématiques. Les élèves analysent des tableaux et des graphiques.
Pour certains enseignants, le rétroprojecteur, les cartes géographiques, le manuel, l’ordinateur ou encore la lecture et l’écoute de récits de voyages sont des instruments indispensables. Parfois, l’heure débute par un brainstorming afin de vérifier les pré-requis et mieux adapter le point de départ de la leçon à la situation de la classe. Quelques enseignants, peu nombreux, privilégient le cours magistral et les travaux de groupes : ils donnent des cartes muettes à compléter ; ils demandent que les élèves analysent des photographies, des histogrammes, des graphiques, des documents vidéo.

Les projets interdisciplinaires : une opportunité pour des sorties sur le terrain

La matière se prêtre tout naturellement au travail interdisciplinaire. En fait, il est très fréquent que la géographie figure dans des projets aux côtés d’autres disciplines telles que les sciences naturelles, l’éducation physique, etc.
Quand celle-ci est abordée à l’intérieur de projets interdisciplinaires, ce n’est pas toujours évident pour les élèves de repérer ce qui appartient au domaine de la géographie et ce qui est spécifique aux autres disciplines ; le professeur est là pour les aider.
La sortie sur le terrain reste l’activité privilégiée pour l’étude de la géographie. Dans le primaire, ces sorties sont fréquentes. Dans le secondaire, elles sont plus difficiles à programmer par manque de temps ; les enseignants utilisent principalement des documents écrits ou oraux et le manuel ; ils proposent également des recherches à la bibliothèque ou sur Internet.
Tous sont convaincus cependant de l’utilité des sorties sur le terrain. Quelques-uns estiment qu’elles sont même essentielles mais, malheureusement, si en classe de première année il est possible de faire plusieurs excursions pour observer le paysage local, en classe de deuxième, le voyage scolaire reste la seule opportunité et, en troisième année, le manque de temps n’en permet aucune.
Toutefois, plusieurs professeurs trouvent le moyen d’organiser quand même des sorties à caractère géographique en les combinant avec des activités interdisciplinaires motivées par l’éducation à l’environnement et la découverte du milieu local.

À propos des programmes et des manuels

Tout au long de ce cycle d’une durée de trois ans, quelques enseignants se trouvent quelque peu désorientés par les nouveaux programmes. L’un d’entre eux continue encore à proposer les anciens.
Une enseignante a l’impression que les dernières réformes des programmes scolaires n’ont pas amélioré la situation. Elle pense qu’ils ne font pas assez référence à la situation locale puisque le point de départ est l’Europe, pour revenir, il est vrai, à l’Italie. Elle n’a pas l’impression qu’on lui propose un schéma logique bien précis pour comparer les deux réalités.
Plusieurs ont remarqué que, lorsque les élèves arrivent dans le secondaire, ils ne connaissent pas bien leur pays et c’est une lacune qu’il faut combler. Tous nous disent qu’aussi bien en géographie physique qu’en géographie humaine, il est nécessaire de partir à chaque fois de l’observation du milieu environnant, pour s’en éloigner progressivement et atteindre des échelles qui englobent des territoires de plus en plus vastes. Aujourd’hui, le monde est à notre porte et, pour pouvoir comprendre et interpréter la dimension globale, il faut en contrepartie bien connaître la dimension locale.
Une enseignante raconte ses difficultés à employer en classe les manuels récents adaptés aux nouveaux programmes. Elle trouve que les textes sont souvent difficiles à exploiter, que parfois ils apparaissent ou trop synthétiques, ou trop prolixes ou encore trop pointus. Elle aimerait plutôt trouver des exercices d’application, des documents authentiques et surtout plus de clarté pour mieux suivre et comprendre le fil conducteur sous-jacent à la construction des savoirs. Elle se demande, par exemple, comment comprendre les liens qui peuvent unir la démographie et la morphologie du territoire si, au préalable, il n’y a pas quelques phrases d’introduction sur le rapport qu’il peut y avoir entre les deux.

Grâce à la disponibilité de mesdames Gledis Valdrighi et Silvana Vierin, respectivement Chefs des établissements scolaires « Luigi Barone » de Verrès et « Mont Rose A » de Pont-Saint-Martin, et à leurs professeurs du secondaire du 1er degré, cet aperçu de la géographie au niveau du secondaire du 1er degré en Vallée d’Aoste a pu être élaboré.
Il était notamment question de s’exprimer sur les valeurs qu’ils entendent transmettre avec cette discipline ; sur la manière dont se déroulent les leçons ; sur la façon dont les élèves les vivent ; sur des côtés positifs et négatifs perçus par les élèves et les enseignants…

Sept professeurs de l’établissement « Luigi Barone » de Verrès : Anna Bodei, Evelina Bosonetto, Daniela Bonafide, Cinzia Muz, Lara Arvat, Luciana Canepato, Valentina Machet et huit professeurs de l’établissement « Monte Rose A » ont bien voulu répondre au questionnaire mis au point par L’école valdôtaine. Tous ces collègues enseignent la géographie et, comme ailleurs, ils ne sont pas nécessairement spécialistes en la matière, étant donné leur préparation davantage littéraire ou historique.

Les recherches : un véritable plus pour la géographie, ou une façon de maintenir un encyclopédisme superficiel ?

Comme nous l’avons déjà souligné plus haut, pour effectuer des recherches à caractère géographique, Internet est devenu incontournable. À côté des documents traditionnels, on y trouve aussi des jeux d’orientation qui permettent de localiser les états, les villes, les mers et les montagnes…
Les élèves peuvent y recueillir, sans grandes difficultés, des données statistiques ou des photographies. Toutefois, ils ont besoin d’être guidés car le risque est grand
de se perdre dans des sites aux contenus douteux ; l’enseignant doit être vigilant et amener les élèves à faire les bons choix afin d’approfondir la réflexion. Il faut également faire attention au « copier-coller » très tentant ; certains ne lisent même pas ce qu’ils ont sélectionné et, en fin de compte, ils se lassent vite parce qu’ils n’apprennent pas grand-chose.

Les acquis des élèves

Plusieurs enseignants se plaignent du manque de connaissances de base. Quand ils arrivent à l’école secondaire, les élèves ne sont pas toujours capables de lire une carte, un tableau ou un graphique ; les notions spatiales apprises précédemment ne sont pas bien maîtrisées ; ils ne possèdent pas de notions claires dans le domaine de l’orientation. Mais c’est surtout la connaissance du territoire qui, d’après certains, fait grandement défaut. Les élèves n’ont pas toujours une maîtrise suffisante des ordres de grandeur quand il s’agit d’aborder les superficies, les différentes échelles, le nombre d’habitants d’une ville, d’un pays…
Tous les professeurs s’entendent pour dire que les élèves ont besoin d’affiner leur capacité à observer et à interpréter leur milieu, qu’une bonne connaissance de leur environnement proche est nécessaire pour aborder avec profit l’étude des espaces plus lointains ; qu’ils auraient besoin de mieux posséder le langage spécifique de la discipline, de façon à pouvoir l’utiliser avec davantage d’aisance, même en dehors du cours proprement dit. Enfin, les jeunes devraient se rendre compte et se convaincre que la géographie n’est pas une matière de deuxième catégorie ; son champ d’action est vaste et se prête bien à la pluridisciplinarité.

Les finalités de la discipline

L’ensemble des enseignants contactés pensent que la géographie sert d’abord à apprendre aux élèves à reconnaître les éléments du paysage et à être en mesure de leur donner du sens, à connaître et à interpréter le monde dans lequel ils vivent. Pour eux, la géographie est une matière concrète : c’est une porte ouverte sur le monde. Elle leur permet de découvrir des espaces lointains, parfois profondément différents des leurs.
Si, d’une part, elle permet d’affiner les capacités d’orientation, de connaître la position des lieux, les uns par rapport aux autres, de l’autre, les champs d’intérêt de la géographie sont très vastes ; ils vont bien au-delà de la description du territoire. Ils fournissent des clés de lecture pour la compréhension du monde contemporain. C’est une discipline de synthèse et c’est justement pour cette raison qu’elle peut tout naturellement faire le lien entre les sciences, l’histoire, la technologie, les langues, etc.
Une enseignante dit que, lorsqu’elle enseigne la géographie, les valeurs qu’elle transmet sont liées au respect de l’environnement proche et lointain et au respect des peuples et de leur diversité. D’autres insistent sur le fait qu’elle favorise l’éducation à la tolérance (ce qui est très utile dans les classes actuelles, aux caractéristiques toujours plus multiethniques et multiculturelles) et qu’elle permet de comprendre les liens qui unissent les sociétés et les activités économiques à l’échelle planétaire.

Que faut-il pour bien enseigner la géographie ?

Ces enseignants ne se sentent pas tous bien préparés pour enseigner cette discipline.
Quelques-uns trouvent que leur formation insuffisante ne leur permet pas de réaliser un bon travail. Ils connaissent les contenus, mais aimeraient être plus à l’aise dans le domaine de la didactique spécifique à la discipline. Le besoin de se confronter est grand. Ils voudraient pouvoir élaborer des parcours didactiques avec les collègues en partant du local pour passer, petit à petit, aux grands problèmes qui touchent le monde contemporain dans sa globalité. Ils souhaiteraient pouvoir profiter d’une formation continue pour se familiariser avec des méthodes modernes, adaptées au monde actuel et qui soient appropriées aux nouvelles générations.

Geneviève Crippa

couriel