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Le carnaval de la Coumba Freide

Y a-t-il un événement qui se prête mieux que la fête à la rencontre et au partage entre les enfants de l’école et l’ensemble de la communauté ? En Vallée d’Aoste, il est peut-être superflu de rappeler la valeur sociale du carnaval de la Coumba Freide.

Les enfants, le carnaval et le territoire

Dire que les habitants de la Coumba Freide ont le carnaval dans le sang n’est pas une boutade. Quand la date de la fête approche une atmosphère de gaieté plane dans l’air du pays et même dans les classes, aussi bien parmi les petits de l’école de l’enfance que chez les plus grands du secondaire du 1° degré.
Pour ceux qui auraient encore quelque perplexité il suffit d’écouter le témoignage d’une collègue qui enseigne aux plus jeunes à l’école de Doues. Elle raconte que lorsque la date du carnaval approche, parmi ses petits élèves, nombreux sont ceux qui ne portent plus le sac de l’école sur le dos, mais sur le devant. Leur cartable se transforme alors en un magnifique accordéon qui joue les notes de "Lo seundzo d'Allein", véritable colonne sonore de notre carnaval. Tous les enfants la fredonnent, en improvisant les pas de danse que les personnages traditionnels exécutent quand ils défilent joyeusement de village en village et de maison en maison.
Le carnaval est sans doute l’un des moments privilégiés de la vie de chez nous. Il révèle bien le lien étroit qui lie les enfants des écoles de notre Communauté de montagne à leur territoire.
La fête permet aux petits de se rapprocher du monde des grands, justement parce que, à cette occasion, les grands redécouvrent et expriment sans retenue une envie de jouer que les enfants ne leur connaissent pas. Ils la retrouvent dans les blagues des Landzette quand elles poursuivent les spectateurs, dans les farces du Toc et de la Tocca et dans les acrobaties des ours se roulant dans la neige. C’est une sorte de pantomime, faite de gestes, toujours renouvelés, toujours différents, mais qui se répètent au fil des générations.
La fête du carnaval est en même temps ancienne et toujours nouvelle ; un lien invisible relie le passé et le présent. C’est une des premières fois dans leur vie que les enfants, sans vraiment en avoir tout à fait conscience, ont l’occasion de manifester leur appartenance à leur terre, à leur communauté riche d’histoire et de traditions.
La vie quotidienne de notre école est vraiment marquée par les traditions du pays. Une véritable entente règne avec les services publics, les mairies, les bibliothèques communales, mais aussi les paroisses ; et très souvent les moments forts de la vie locale entrent de plain-pied dans nos classes.
Il n’est donc pas étonnant que l’idée d’un projet scolaire portant sur le carnaval ait donné lieu à une étroite collaboration entre les écoles de la zone, les collectivités locales, les bibliothèques, la Communauté de montagne, l’AIAT-Grand-Saint-Bernard, etc.
Depuis longtemps déjà ce type de collaboration a donné naissance à une initiative renouvelée chaque année :
“ Un diario per amico ” ; c’est un travail de recherche mené par les différentes écoles sur un thème commun de la Communauté du Grand-Combin.


Le projet " Le Carnaval de la Coumba Freide"

Le Bureau Régional pour l’Ethnologie et la Linguistique nous a proposé de participer à un projet européen.
De l’avis de tous, le thème du carnaval est réputé comme étant particulièrement significatif pour l’ensemble du territoire. Suivant des modalités qui leur sont propres, chaque école de l’Institution scolaire du Grand-Combin a adhéré au projet intitulé : “ Le Carnaval de la Coumba Freide ”. Ainsi, l’ensemble des écoles de l’enfance, du primaire et du secondaire du 1° degré du Grand-Combin ont accueilli favorablement cette initiative commune.
Le projet, fruit d’une étroite collaboration entre les différents partenaires, rentre donc pleinement dans une logique de continuité, aussi bien en ce qui concerne les différents niveaux scolaires que pour son lien avec l’environnement proche des élèves.
Dans le cadre de leur recherche sur le carnaval, le regroupement des écoles de Valpelline et Gignod a aussi adhéré au projet européen “ Comenius 1 ”, portant sur “ Les personnages et les animaux mythiques dans l’Europe du XXIe s. ”, avec des écoles de France, d’Espagne, de Belgique, d’Angleterre et de Roumanie.
Au cours de la première phase, celle de la recherche proprement dite, la collaboration avec les différents “ Comités du carnaval ” a été essentielle. Celles des familles, des couturières, des personnes âgées ont également été fondamentales. Tout le monde a mis volontiers à notre disposition des connaissances, des souvenirs, des clichés photographiques, qui sont ainsi devenus patrimoine commun. Les enfants ont pu observer de près, analyser et admirer les précieux costumes aimablement prêtés pour l’occasion. Ils ont même eu l’opportunité d’apprendre l’art d’appliquer les paillettes.
La collaboration du personnel du BREL a été très utile ; en particulier il a permis non seulement de reproduire le matériel photographique rassemblé, mais aussi, il s’est souvent chargé de filmer les moments significatifs, sans que cela n’occasionne de frais supplémentaires pour les écoles.
Pendant la deuxième phase du projet, en prévision de l’exposition collective qui aura lieu au mois de janvier 2005, avec la publication des travaux effectués et des documents recueillis, ainsi que pour la manifestation finale, la collaboration de la Communauté de montagne, des bibliothèques communales et de l’AIAT sont fondamentales, non seulement grâce à leur apport financier mais aussi pour la mise à disposition des classes du savoir-faire et des compétences de leur personnel au moment de la réalisation du livre et des expositions.

Le déroulement du projet

En plus des objectifs propres aux différents niveaux d'écoles et aux différentes disciplines, notre projet poursuit les objectifs généraux suivants :
• Réaliser la continuité à l'intérieur de l'Institution entre les différents degrés de l'école et avec le territoire.
• Stimuler et développer chez l'enfant le passage de la culture vécue, qui vient de l'expérience de la vie, à la culture en tant que reconstruction intellectuelle. (Adaptations 1985)
• Amener l'enfant à construire son identité culturelle à partir de la prise de conscience de la réalité dans laquelle il vit. (Adaptations 1985)

Le Carnaval de la Coumba Freida
Une réjouissance bien enracinée dans le cœur de la population

Les racines du Carnaval se perdent dans la nuit des temps. Moment de transgression, mal toléré par l'Église, il était souvent ignoré ou même condamné. Ainsi, en 1464, l'évêque d'Aoste Mgr. François de Prez se plaignait des hommes masqués, sévissant dans les rues de la cité, qui portaient des clochettes sur leurs vêtements et des cornes diaboliques sur la tête.
Les traces historiques du Carnaval de la Coumba Freida proviennent essentiellement des témoignages oraux et des différentes enquêtes qui ne remontent pas au-delà du début du vingtième siècle.
Ces réjouissances sont profondément enracinées dans le cœur des populations des communautés de la Vallée du Grand-Saint-Bernard et même de Valpelline.
Moments de fête, de joie, de partage, le carnaval a toujours été une occasion pour exprimer un fort sentiment d'appartenance à un village et à une commune, grâce à la création de la Benda di Mascre.
À l'époque de nos grands-parents, les préparatifs étaient toujours pris très au sérieux. Ils étaient les seuls moments de distraction pour les couturières qui se retrouvaient pendant la veillà afin de confectionner minutieusement les costumes.
Et durant les périodes difficiles, les quelques économies étaient souvent réservées à l'achat d'une pièce d'étoffe pour confectionner ou fignoler une landzetta.
Éléments fondamentaux du carnaval, la musique et la danse sont sans doute les éléments qui représentent le mieux le sentiment d'allégresse qui envahit tous les participants au cortège et les habitants du village, comme un élan nouveau au cœur du rude et triste hiver. Les portes des maisons s'ouvrent alors comme par enchantement et chacun est invité à déguster les gourmandises préparées par les maîtresses de maison.
C'est très certainement à cause de cette atmosphère toute particulière qui plane au moment du carnaval que chacun, vêtu ou non d’un costume, ose s’exprimer librement. C’est ce qui a permis à cette antique tradition de survivre jusqu'à nos jours. La tradition est bien vivante dans nos communautés et a même franchi les limites de la Coumba Freida. Elle s'est adaptée à notre temps, mais elle demeure fortement enracinée dans nos villages : aujourd'hui encore, les mamans modernes apprennent à confectionner des landzette pour leurs rejetons et eux se réjouissent d'être assez grands pour pouvoir les porter et participer à la fête avec leurs aînés, eux-mêmes témoins de cette tradition et fiers d'être membres de la benda di mascre.

Laurette PROMENT
Vice-président, assesseur à l'éducation et culture de la Communauté du Grand-Combin


Les disciplines concernées par le projet, à l’école primaire et au secondaire du 1° degré sont les suivantes : les langues italienne et française ; l’éducation à l'image (école primaire) ; l’éducation artistique (secondaire du 1° degré) ; l’histoire et les études sociales ; à la maternelle, tous les domaines de l'expérience sont concernés.

Les temps

• Du mois de septembre 2003 au mois de janvier 2005.
• Remise du matériel élaboré par les écoles à la fin de l'année scolaire 2003/04.
• Publication et manifestation finale au mois de janvier 2005.


De multiples réalisations sont prévues. Elles vont de la manifestation finale de toutes les écoles qui ont participé au projet, à l’exposition, à la publication (recueil de tout le matériel), aux articles pour la presse locale, au cédérom (recueil de tout le matériel), au matériel vidéo (interviews, moments et personnages du Carnaval, moments du travail des élèves, etc.), à la fabrication de dessins, de marionnettes, de statuettes, etc., aux jeux ayant trait au carnaval (Memory, Puzzles, Questions, Jeux de cartes, Domino, etc.), jusqu’aux chansons et aux danses pour la fête finale.
Toutes les classes ont prévu d’évaluer les activités effectuées pendant le projet, suivant les modalités habituelles, spécifiques à chacun des trois niveaux.
Une commission composée d’enseignants appartenant à tous les niveaux, et qui a suivi toutes les phases du projet, est chargée de l'évaluation finale. Après avoir pris contact avec tous les collègues, elle se penchera sur le parcours suivi pour en faire émerger les points faibles et les points forts.

Le carnaval à l’école ou À l’école du carnaval?

Durant la première phase du projet, les enseignants se sont rencontrés fréquemment pour faire le point sur l’avancée des travaux. La plupart d’entre nous avaient déjà une certaine expérience dans le domaine et savaient combien le territoire peut être une ressource dans laquelle il est possible de puiser pour nourrir l’activité didactique. Comme à chaque fois, nous avons été agréablement surpris par la disponibilité de toutes les personnes qui, avec enthousiasme et beaucoup de patience, ont mis à la disposition de l’école des informations, des connaissances et du matériel sans lesquels il aurait été difficile de mener le projet à son terme.
Il faut reconnaître que cette expérience est allée au-delà d’un simple contact avec le territoire. Il s’est agi d’un véritable travail de collaboration auquel les enfants ont activement participé ; une occasion d’échanges continus.
Lors d’une réunion de présentation du projet, le président d’un des Comités avait bien émis quelque doute sur l’intérêt culturel des nombreuses initiatives concernant le carnaval qui avaient été entreprises depuis quelques années. Il craignait qu’ainsi le carnaval courait le risque d’être considéré comme une manifestation du passé et non comme une tradition bien vivante qui se perpétue.

La parola agli alunni della scuola media

“Il carnevale mi mette molta allegria. Mi piace vedere tutto il paese che si ritrova per far festa! Certo, è un po' faticoso partecipare però è un bel modo di stare insieme che coinvolge grandi e piccoli. È bello andare in giro per il paese tutto il giorno, saltando e cantando, ad ogni tappa ci si ferma per mangiare, bere, cantare, ballare e riposarsi un po'. Insomma, si finisce una giornata di carnevale con la pancia piena e le gambe rotte.”
SABRINA

“Per fortuna i miei genitori mi permettono di non andare a scuola il giorno di carnevale. Altrimenti, non saprei proprio come fare…”
CHANTAL

“Le landzette costano care, così in famiglia ce le passiamo. Io quest'anno avrò quella di mia cugina.”
CRISTINA

“È stato il nonno a regalarmi la mia prima landzetta. Quando l'ho indossata eravamo tutti e due emozionati.”
DAVID

“Quando vedo le maschere e quando io stesso mi maschero provo una grande emozione. A me piace travestirmi da orso perché mi posso rotolare nella neve e anche sporcarmi. Spero che la tradizione del carnevale continui e sia sempre importante nei cuori degli abitanti della Coumba Freide.”
ANDREA

“Io spero che il carnevale non vada perduto come è successo a molte feste popolari di questo tipo. Spero anche che il
carnevale valdostano non si mischi con altri carnevali rischiando di scomparire.”
ALAIN


Nous rapportons aussi les doutes d’un enfant de la classe de cinquième quand le travail de recherche sur l’histoire du carnaval a été enfin terminé. En discutant avec ses camarades pour trouver un titre, alors que tout le monde était d’accord pour choisir l’expression : “ Carnaval et histoire ”, le petit garçon est intervenu et, après avoir relu le compte rendu, il a proposé d’écrire “ est ” au lieu de “ et ”. Le choix est tombé sur la première version, mais, vaut-il mieux écrire : Carnaval et histoire, ou bien Carnaval est histoire ? Nous laissons à chacun le choix d’entendre et d’interpréter ce qu’il préfère.
Laissons au président et au petit garçon ce doute shakespearien mais, nous les enseignants, que devons-nous conclure ? que notre projet a eu comme objet : “ Le carnaval à l’école ” ou “ À l’école du carnaval ” ?
Et nous pensons honnêtement avoir réussi le pari de mettre sur pied un véritable partenariat entre l’école et le territoire environnant.

Les comités

Comité du carnaval de Allain ; Le Carnaval de Bioun–a ; Le Carnaval de Bosses ; Comité du Carnaval de Doues ; Le carnaval d’Etroble ; Comité du Carnaval de Ollomont ; Comité di Poudzo (Gignod) ; La Benda Reysaentse (Roisan) ; Lo Carnaval de Saint-Oyen ; Comité “ Le Carnaval de Valpelline ”.

 

Lucia Lévêque
Professeur de lettres à l’école moyenne de Variney.
Collaboratrice pour l’école secondaire du 1° degré à l’Institution scolaire Grand-Combin.

Roberta Rollandin
Institutrice à l’école élémentaire de Gignod.
Collaboratrice pour l’école élémentaire à l’Institution scolaire Grand-Combin.

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