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Quand les sciences vont à la montagne

Un projet pédagogique ministériel permet aux enseignants des écoles rurales de profiter d’un soutien pédagogique multiforme favorisant la rupture de l’isolement des maîtres et des élèves.

Voulue par l'Éducation Nationale française, la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) et les collectivités locales, une EMALA (Équipe Mobile Académique de Liaison et d’Animation) permet une pédagogie inter-école dans des zones rurales d'habitat dispersé.

Dans ce cadre, des postes d’enseignants, de la maternelle jusqu’à la fin de l’élémentaire, ont été créés. En premier lieu ils contribuent à la rupture de l'isolement des maîtres et des élèves et ils permettent à ces derniers de bénéficier des outils pédagogiques modernes, afin qu'il y ait une égalité réelle de chances entre tous les écoliers. Ils facilitent aussi l’émergence d’un partenariat réel avec les collectivités territoriales telles que la commune, le regroupement de communes, le département (dans le cadre du Conseil Général), etc.
Pour ce faire, un enseignant a été expressément mis à disposition d’une zone rurale définie au niveau du département pour qu’il s’implique dans la mise en œuvre d'un projet. Il se déplace avec un véhicule aménagé en fonction d’objectifs préalablement définis. Il se rend d’école en école avec du matériel pédagogique (malles, valises de livres, des documents…), audiovisuel (vidéo, son, photo...), informatique.

Le véhicule dont il dispose permet aussi de faire profiter les écoles isolées de la documentation du Centre Départemental de Documentation Pédagogique ou de toute autre source, en fonction du projet et de la programmation annuelle qui en résulte.
J’occupe le poste d’institutrice animatrice de l’EMALA dans le Briançonnais et je vais tenter de montrer quelle pédagogie est pratiquée au quotidien.

 

L'EMALA du Briançonnais
L’Équipe Mobile Académique de Liaison et d’Animation (EMALA) de Briançon a été créée en1986 dans le but de rompre avec l'isolement des écoles rurales situées dans le nord du département des Hautes-Alpes, en grande partie montagneux.
A l’origine, l'EMALA assurait le lien entre le Centre Départemental de Documentation Pédagogique (CDDP) et les écoles en apportant de la documentation et du matériel liés aux disciplines les plus variées et aidait les écoliers et les enseignants des différentes écoles à se rencontrer. En effet, la plupart des écoles, souvent des classes uniques, étaient isolées les unes des autres et distantes du CDDP. Le CDDP le plus proche, celui de Gap, se trouvant à 60 km de l’école la plus proche et à 140 km de la plus éloignée du Briançonnais.
Petit à petit les écoles à classe unique ont été remplacées par des regroupements pédagogiques ; des subventions ont permis l'achat de matériel et de développer les Bibliothèque Centrales de Documentation des écoles. Cela a rendu nécessaire une adaptation de l’EMALA qui, sur la base des besoins formulés, a orienté sa mission vers la pratique des Sciences (1992). En effet, le manque de matériel et les difficultés pour mettre en place des situations utilisant la démarche expérimentale ont guidé les interventions de l'EMALA dans ce sens. Le plan de rénovation des sciences mis en place depuis 2000, s’inscrit, lui aussi dans cette logique.

Secteur géographique
L’EMALA du Briançonnais intervient dans les écoles isolées du département réparties en trois secteurs : le secteur de La-Grave, le secteur de Guillestre et celui du Queyras. En tout 26 classes concernées pour un effectif de 420 élèves.
Toutes les classes ont des cours multiples répartis en deux classes pour les écoles d’Aiguilles, d’Arvieux, de Ceillac, de St-Véran, de Risoul, de Vars, ou en trois classes pour Abriès, St-Crépin. Les enfants des hameaux autour de La-Grave et de Villar-d'Arène sont répartis dans les deux villages en fonction de leur niveau de classe (maternelle et les deux premières années de l’élémentaire à la Grave ; les trois dernières années de l’élémentaire à Villar-d'Arène). Il en est de même pour les villages de Château-Queyras et Ville-Vieille, de Pierre-Grosse et Molines, d'Eygliers et Montdauphin, de Réotier et de St-Clément.
Les effectifs de ces classes varient de 9 à 25 élèves. Les enfants des villages (sauf Aiguilles, Ceillac, St-Véran, St-Crépin) utilisent un ramassage scolaire pour se rendre à leur école.

L’instituteur animateur de l’EMALA
L’instituteur animateur de l’EMALA ne reçoit pas de poste affecté à une classe d’une école ; son service est, tout de même, celui d’un enseignant classique mais qui a la particularité de se déplacer de classe en classe.

L’instituteur de l’EMALA est membre à part entière d'une équipe éducative. Il fait des interventions sur une durée donnée, dans le cadre d'un projet d'école, défini selon la politique éducative des circonscriptions. Ses interventions sont donc programmées et se traduisent par cycles, au niveau d'écoles ou de regroupements, avec prise en charge d'une classe dans le cadre d'une co-intervention.
Dans le Briançonnais, l'instituteur animateur se déplace d'école en école avec un véhicule contenant du matériel pédagogique de type scientifique et propose, en concertation avec les enseignants, des séances de science. Les élèves participent activement à ces séances où les problèmes posés leur donnent l'occasion de se questionner, d’émettre des hypothèses, d'expérimenter, d'échanger, de communiquer et d'aborder des concepts scientifiques. Il élabore le projet de l’année en accord avec les instituteurs. Il assure la rotation dans les écoles et l’entretien d’une quinzaine de mallettes pédagogiques (l’électricité, le magnétisme, la lumière, l’eau, l’air, les mélanges, les leviers, constructions…).

Modes d’intervention

La substitution formation
L’instituteur animateur intervient une demi-journée dans chaque classe par période où il réalise une intervention à caractère scientifique et technologique, mettant en jeu les capacités d’observation, de questionnement, de réflexion et de réalisation des enfants. L’instituteur animateur élabore le projet de l’année sur un thème choisi en accord avec les instituteurs. Ces interventions permettent de réaliser une mallette thématique.

Les animations ponctuelles
L’instituteur animateur intervient ponctuellement à la demande de l’instituteur qui souhaite réaliser une construction d’objet en rapport avec le thème travaillé. Par exemple une classe travaille sur l’air et est intéressée par la construction d’une montgolfière.

Les ressources matérielles
L’instituteur animateur répond à des demandes ponctuelles de matériel. Par exemple une classe a besoin d’une cloche à vide ou d’une cellule solaire, etc.

La gestion du matériel
L’instituteur animateur gère le planning, la rotation et l’entretien des mallettes pédagogiques, comme celles de l’électricité, du magnétisme, de la lumière, de l’eau, de l’air, des mélanges, des leviers, des constructions, etc. qui circulent dans les écoles.

Exemples d’activités
  • L’air, objet d’étude de la maternelle à la dernière année du primaire

Un objectif : la matérialité de l’air
L’air n’étant pas directement perceptible, on rencontre des difficultés pour que l’élève reconnaisse qu’il s’agit de matière. L’enseignement contribue à renforcer cet obstacle en définissant l’air comme incolore, inodore, invisible, imperceptible. L’un des objectifs sera donc d’œuvrer à la construction du concept de l’air.
Le tableau ci-dessous permet d’avoir une logique d’ensemble de cette construction conceptuelle et permet de choisir des objectifs cohérents.

L’air est de la matière

L’air est un gaz

L’air est un gaz particulier

Il existe d’autres gaz

Il possède à ce titre les propriétés générale de la matière.
Il possède à ce titre toutes les propriétés de l’état gazeux.
Il possède des propriétés spécifiques que ne possèdent pas les autres gaz.
Ils possèdent eux aussi des propriétés spécifiques, que ne possèdent pas l’air.
  • il peut changer d’état (air liquide)
  • il se déplace
  • il se conserve
  • il est pesant
  • il se dilate
  • sa densité dépend de la température
  • il interagit avec d’autres matières. Il exerce des forces.
  • Il n’a pas de forme propre.
  • Il occupe tout le volume dont il dispose
  • il est compressible, expansible, élastique
  • il se caractérise par une pression, un volume, une température.
  •  
  • c’est un mélange de gaz
  • il entretient les combustions
  • il permet le respiration
  • il est légèrement soluble dans l’eau
  • c’est un isolant thermique, phonique et électrique
  • il est incolore, inodore.
  • le gaz carbonique n’entretient pas les combustions, ne permet pas la respiration. Il est plus dense que l’air
  • le butane est odorant, combustible, explosif s’il est mélangé à l’air
  • le dioxyde d’azote, la vapeur d’iode sont des gaz colorés.
  • Compte tenu de l’obstacle rencontré en école primaire, il convient d’accorder la priorité à la première colonne du tableau : l’air possède les propriétés générales de la matière.

    Avec les enfants de 3 à 5 ans
    Les enfants doivent dire qu’un ballon de baudruche gonflé est plein d’air .

    Le matériel nécessaire : 1 bac plastique, un ballon de baudruche rempli d’eau, un ballon de baudruche rempli d’air, un ballon un vide, un torchon.
    La situation de départ : dans une caisse non transparente poser deux ballons de baudruche, un rempli d’air et l’autre rempli d’eau. Mettre un tissu pour cacher le contenu.

    Demander aux enfants de venir toucher et de dire ce qu’il y a dans la boîte.
    Les réponses des enfants : généralement tous les enfants reconnaissent des ballons. Le contenu est moins évident : vide, rien, mouillé, froid, chaud, dur, gonflé, eau, sans eau…
    On conseille d’utiliser toutes les réponses des enfants pour arriver à dire qu’un ballon est plein d’air et l’autre plein d’eau.

    Avec les enfants de 6 à 8 ans
    Les enfants doivent dire que l’eau ne peut pas rentrer dans le gobelet parce qu’il y a déjà de l’air.
    Que se passe t-il si on enfonce le gobelet bien droit au fond du bac à eau ?

    Situation de départ :

    Les enfants dessinent ce qu’ils pensent ; puis ils font l’expérience, comparent leurs résultats et discutent.

    Avec les enfants de 9 à 11 ans
    Les enfants doivent dire que l’air pèse quelque chose.

    On met un ballon de baudruche légèrement gonflé dans une cloche à vide. On enlève une grande partie de l’air de la cloche avec la pompe.

    Que va t-il se passer ? On note les représentations des enfants. On fait l’expérience. On commente et note les résultats.

    La rencontre des écoles du Queyras autour d’un défi science

    Les élèves ayant travaillé pendant toute une période autour de ce défi. Lors de la rencontre, à la fin du mois de juin, ils ont pu comparer et analyser les différentes productions.
    Les objectifs de l’activité : après un défi lancé dans toutes les écoles, on met en commun, on compare et on analyse les solutions trouvées. Les écoliers échangent, discutent, confrontent leurs idées autour de petits défis simples. Cela permet aussi aux enfants des différentes écoles de se rencontrer.

    Le défi pour les écoliers de 5 à 7 ans
    Sur une planche inclinée de 60 cm sur 120 cm, en pente à 45°, on fait rouler une bille de manière à ce qu’elle arrive le plus tard en bas.

    Le défi pour les écoliers de 8 à 11 ans
    Sur un plan incliné de 20 cm sur 200 cm, en pente à 45°, on fait descendre, le plus lentement possible, une boîte d’un kilo de sucre.

     

    Véronique Dyen
    Institutrice animatrice EMALA dans le Briançonnais.
    Aimerait avoir des contacts avec des enseignants qui agissent comme elle en zones rurales de montagne.
    e-mail : emalabri@wanadoo.fr

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