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L’Enseignement du français au Collège et au Lycée, aujourd’hui

Présentation de quelques notions fondamentales liées à la réforme de l’enseignement du français en france dans le secondaire.

Avec l’entrée en vigueur des nouveaux programmes de français en classe de Première des lycées d’enseignement général et technologique et les nouvelles modalités de l’épreuve anticipée de français - que les élèves de Première passeront à la fin de l’année scolaire 2001-2002 - la réforme de l’enseignement du français commencée en 1996 avec les classes de Sixième et progressivement mise en place, voit son aboutissement.
Nous ne prétendons pas ici présenter un examen exhaustif de la question. Pour cela, on pourra se reporter aux travaux de Katherine Weinland(1), d’Alain Boissinot(2), d’Alain Viala(3), de Marc Baconnet(4), qui ont largement inspiré cette réforme et dont on trouvera les références en fin d’article. On n’oubliera pas non plus de se reporter aux programmes du cycle d’adaptation (classes de Sixième), du cycle central (classes de Cinquième et Quatrième) et du cycle d’orientation (classes de Troisième) pour l’ensemble, du premier cycle ; de même on se reportera aux Programmes des classes de Seconde et de Première pour le second cycle. Et l’on pourra tirer le plus grand profit de la lecture et de la réflexion des différents Documents d’accompagnement de ces divers programmes ; ce sont en effet des outils précieux pour les professeurs de français de ces classes.
Nous essaierons de mettre en évidence la continuité de la progression de l’enseignement du français en rappelant dans un premier temps quelques notions fondamentales de l’enseignement du français au collège ; puis nous soulignerons quelques lignes de force qui se dégagent pour l’enseignement du français au lycée ; enfin nous proposerons quelques élargissements dans la perspective de la formation du futur citoyen français.

Quelques notions fondamentales de l'enseignement du Français au collège

L’hétérogénéité des classes aujourd’hui conduit à une conception rationnelle de l’enseignement du français, perçu comme une discipline identique aux autres. Cette conception vise à donner à l’élève tous les outils lui permettant de lire et d’écrire indépendamment de tout ce que son milieu socio-culturel a pu ou non lui apporter. Cela appelle une réflexion didactique dans trois directions :
• elle doit reposer sur des bases sûres, hors de toute approche approximative. On voit immédiatement la conséquence d’une remise en cause de l’enseignement de la grammaire ;
• elle doit prendre en compte avec attention et prudence l’avancée des travaux iniversitaires. C’est ainsi que les notions de discours et de genre interviendront dans les travaux d’écriture et de lecture ;
• la réflexion didactique doit se libérer d’un certain cloisonnement (dans lequel on étudie séparément la grammaire, l’étude de texte, l’expression écrite...) pour envisager une approche d’évaluation plus globale par une mise en œuvre de décloisonnement.
Ceci posé, on peut à présent emprunter trois pistes de réflexion qui nous conduiront à montrer la valeur du décloisonnement.

Les limites du cloisonnement

Chacun se souvient que l’enseignement du français reposait précédemment sur une multiplicté de domaines fragmentés - grammaire, orthographe, étude de texte, vocabulaire, récitation,... - qu’il était souvent difficile de gérer tant pour le professeur que pour l’élève. On pouvait regrouper l’ensemble en deux pôles : un pôle " lecture" , comprenant étude de texte, récitation, vocabulaire ; un pôle " écriture " avec orthographe, grammaire, expression écrite. Entre autres inconvénients, cela conduisait à mener des enseignements parallèles dans lesquels chaque discipline suit son propre cheminement. Perdu dans un dédale d’objectifs disparates, l’élève devait construire, comme il le pouvait, la cohérence de son itinéraire d’apprenant. Quant à l’évaluation, elle pouvait intervenir directement ou indirectement, selon que l’on envisageait une seule sous-discipline (par exemple la rédaction, l’orthographe, la grammaire) ou deux sous-disciplines (ortographe-grammaire) à travers la rédaction.

Le recours à la notion de discours, palliatif à ces inconvénients

Dans son ouvrage, L’Enseignement du français au collège, K. Weinland cite la phrase : " Le chat attrape la souris " , qui peut, selon les contextes dans lesquels on l’emploie, prendre des significations spécifiques sans que la phrase ne soit modifiée.
On peut dans ces conditions opposer la phrase (unité d’analyse abstraite dégagée par la grammaire) à l’énoncé (produit concret de l’activité de langage d’un énonciateur réel). A chaque énoncé correspond une situation d’énonciation particulière qui varie selon l’identité de l’énonciateur (qui produit l’énoncé), de l’énonciataire (celui à qui est destiné l’énoncé) et de la relation entre les deux : directement s’ils sont mis en présence l’un de l’autre, indirectement s’ils communiquent par l’intermédaire d’un support écrit (dans le cas de la phrase citée, ce pouvait être un roman, un article, une encyclopédie,...).

Pour construire le sens d’une phrase, l’élève s’appuie sur sa connaissance de la langue (lexique, grammaire). Mais, la phrase restant la même, son sens ne peut varier. Pour construire la signification, l’élève s’appuie certes sur sa connaissance de la langue mais fait appel aussi à d’autres compétences qui prennent en compte énonciateur et énonciataire. Il parvient alors à une véritable compréhension des textes et passe du sens à la signification, et d’une approche de la langue à une approche du discours (" conçu comme une actualisation de la langue dans des situations concrètes d’utilisation ").(5) Ainsi le discours se trouve au coeur des apprentissages menés en français.
La question du décloisonnement se trouve alors posée : le discours se développe aussi bien à l’écrit qu’à l’oral. L’étude de la langue ne peut être considérée comme une fin en soi et doit être associée à l’étude du discours. Et les outils spéficiques que l’on réservait à l’étude des textes littéraires et à la langue se libèrent de leur domaine respectif pour intervenir ensemble dans l’analyse du discours.

Le décloisonnement

Un enseignement décloisonné rassemble et unit ce qu’un enseignement cloisonné sépare et isole. L’élève doit savoir :
• où l’on veut le mener : il faut donc lui indiquer les objectifs à atteindre ;
• ce qu’il doit étudier pour parvenir à ces objectifs ;
• saisir l’utilité des apprentissages programmés en classe.

L’ensemble relève donc d’un projet, qui doit :
• mettre en évidence un objectif d’ensemble ;
• prendre en compte la réalité de la classe pour que l’élève soit partie prenante de ce travail et qu’il en ressente nettement l’utilité pour lui ;
• permettre à l’élève de savoir ce qu’on attend de lui à la fin de ce processus.

Pour mettre en œuvre ce projet, l’on mettra en évidence la notion de séquence didactique. Celle-ci peut être définie comme un ensemble de séances regroupées, permettant à l’élève d’atteindre un (ou des) objectif(s) donné(s). Elle s’appuie sur le discours d’autrui et amène l’élève à produire son propre discours. Sa durée n’excède pas une douzaine d’heures. Chaque séance respecte généralement les limites d’une heure de cours mais peut éventuellement disposer d’une durée plus large. On ouvre la séquence par un élément déclencheur (faire réagir les élèves en posant des questions pour faire germer un projet). Les séances vont s’appuyer sur des textes divers. On peut ne pas faire appel à toutes les disciplines du français, selon l’objectif que l’on se sera fixé. A terme, chaque séquence verra l’acquisition de savoirs et de savoir-faire, permettant la mise en œuvre d’une capacité liée à la fois à l’écriture et à la lecture, dans un mouvement de cohérence. Dans ce parcours, chaque séance vise à faire acquérir des compétences particulières, participant à la réalisation de l’objectif final.Cela implique des évaluations aux différents niveaux de la séquence : une évaluation initiale pour mettre en concordance objectif du professeur et réalité de la classe ; des évaluations intermédiaires ou formatives, pour s’assurer des acquis, au fur et à mesure du déroulement des séances ; une évaluation finale ou sommative, qui prend en compte l’ensemble des savoir-faire et permet à l’élève une production personnelle. Pour visualiser l’ensemble, on peut proposer le schéma suivant ci-dessous.

Quel élève cherchons-nous à former ?

• Un élève qui soit en mesure d’écrire. Les élèves sont mis en situation d’être producteurs de discours : on les amène à prendre en compte les dimensions énonciatives, la situation de communication et la visée. Un écrit n’est pas gratuit, il est destiné à un lecteur.
• Un élève qui sait aussi être un lecteur de texte, actif, capable de repérer des détails pour les transformer en indices, de formuler des hypothèses, de construire un sens en validant celles-ci par mobilisation des références culturelles. " Il puise dans les textes des contenus, des stratégies d’écriture ; il imite, il transforme ; les pratiques d’écriture s’inscrivent dans une culture du texte que les élèves apprennent à assumer et, peu à peu, à maîtriser " (6). L’élève doit pouvoir se constituer par des lectures obligatoires des références culturelles.
• Cette logique d’ensemble qui prend en compte le discours, le texte, la langue, permettra à l’élève de s’habituer à raisonner, à réfléchir, à interroger le fonctionnement des textes et des discours, à s’orienter vers l’argumentation qui est au coeur même de la relation à autrui.

L’esprit des programmes de lycée

L’enseignement du français au lycée d’enseignement général et technologique se situe dans la logique de celui du collège. Il en est bien ainsi puisque, dans le Préambule des nouveaux programmes du lycée des classes de Seconde et de Première, on affirme que " le travail s’organise en ensembles cohérents de séances (ou séquences) afin d’assurer une intégration effective de l’étude de la langue et de l’expression orale et écrite et des lectures, et participe aux finalités générales de l’éducation au lycée : l’acquisition de savoirs, la constitution d’une culture, la formation personnelle et la formation du citoyen " .
Que ce soit en classe de Seconde ou en classe de Première, " l’enseignement du français s’organise en séquences qui associent la lecture, l’écriture, l’oral et le travail sur la langue. Un objet d’étude peut être abordé à l’intérieur d’une ou plusieurs séquences. Une séquence peut rassembler des éléments issus de plusieurs objets d’étude.
La durée des séquences peut varier en fonction du projet pédagogique du professeur et des réactions des élèves. Leur durée moyenne sera d’une quinzaine d’heures. Le professeur organise son enseignement en tenant compte du niveau des élèves et de son projet pédagogique ".
En reproduisant ces passages extraits des programmes officiels, il apparaît bien que ce qui structure l’enseignement du français au lycée est le cadre général du projet pédagogique du professeur et sa mise en œuvre en séquences.
Ces méthodes de travail associées aux connaissances et à la capacité de réflexion personnelle donneront aux élèves des références solides en les rendant capables d’accéder ensuite par eux-mêmes à d’autres connaissances et de se construire.
Dans cette brève présentation de l’enseignement du français au collège et au lycée, aujourd’hui, nous avons essayé de tracer quelques lignes de force à travers des notions fondamentales, notamment celles d’énonciation, de discours, qui ouvrent des perspectives nouvelles pour un décloisonnement de l’enseignement de cette discipline. Sa mise en œuvre repose sur l’élaboration d’un projet pédagogique, véritable contrat entre le professeur et les élèves, qui se réalise par un ensemble cohérent de séquences.
C’est ce qui, progressivement, s’est mis en place depuis la classe de Sixième jusqu’à la classe de Première, avec l’entrée en vigueur cette année des nouveaux programmes et de la nouvelle épreuve anticipée de français(7). Il y a là une continuité dans l’acquisition des savoirs et dans la formation de l’esprit, pour faire accéder l’élève à l’autonomie.

 

Les conceptions nouvelles de l’enseignement de la discipline dans le premier et le second cycles des études secondaires françaises font appel à deux réalités : la dimension sociologique liée au public scolaire que l’on accueille dans les classes, et la dimension théorique, liée à la réflexion et à l’évolution didactique de la discipline elle-même, en relation directe avec tous les travaux réalisés en linguistique.

 

Gérard Manizan
Retraité de l’Enseignement Public. Professeur agrégé de Lettres Modernes hors classe au lycée Montesquieu - Bordeaux. Conseiller Pédagogique depuis 1996. Chargé de mission d’inspection auprès de l’Inspection Régionale de Lettres de l’Académie de Bordeaux 1997-2000.

Notes
(1) Weinland, K., L’enseignement du français au collège, Bertrand- Lacoste.
(2) Boissinot, A., Techniques du français, Bertand-Lacoste.
(3) Viala, A., " Esprit des programmes " - Ecole des Lettres Second cycle, 1er décembre 1999.
(4) Baconnet, M., " Regard sur la situation actuelle " - Ecole des Lettres Second cycle, 1er décembre 1999.
(5) Accompagnement des Programmes de Sixième.
(6) Voir Instructions officielles.
(7) Voir encadré.

 

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