ACQUA E PAESAGGIO
Aucune fontaine, aucune source ne mérite d'être qualifiée de banale car elle est le symbole même de la vie.
DES FONTAINES
par Claudine Remacle
(Photo du concours Silvia Marchisone)Il y a 7450 sites web qui parlent de fontaines et de villages lorsqu'on surfe sur Internet en utilisant ces deux mots-clefs. Le mot fontaine, allié à celui de village, propose : publicité touristique, poésie, mise en valeur du patrimoine, hymne en tout genre à la fontaine, qu'elle soit modeste ou remarquable. Chez nous, les boueil sont d'une grande simplicité, mais ils n'ont rien de banal. Aucune fontaine ne mérite cet adjectif, car elle est le symbole même de la vie ! L'eau qui y coule provient en général d'une source, la fontana, captée au prix de lourds travaux. Cette source est souvent à l'origine de l'implantation du village et, aujourd'hui, lorsqu'on s'approche des constructions abandonnées, envahies par les ronces et les arbres, le gargouillis de la fontaine est le seul bruit qui témoigne avec opiniâtreté de la possibilité réelle de vivre dans ce lieu devenu désert.
La mode de remplacer les vieux boueil par de nouveaux grands bassins en pierre taillée montre la prise de conscience actuelle des communautés pour cet endroit primordial de la vie au village. Ce n'est pas un fait nouveau. En effet, dans notre histoire européenne, la fontaine est un status symbol depuis des siècles pour la ville comme pour le village.
Au Val d'Aoste, certaines fontaines sont plus importantes que d'autres et, avant de les substituer, il est bon de réfléchir à leur histoire.
Les vieilles fontaines creusées dans un seul bloc de pierre sont parmi les plus résistantes. Les plus humbles étaient en bois : un simple tronc d'arbre évidé.
Parmi les vasques monolithes, quelques-unes sont probablement très anciennes, comme celle de Bonavesse à Arnad. On vient de loin chercher son eau légère et, qui plus est, on dit que la présence de cette bonne eau aurait forgé le nom de l'endroit. D'autres boueil creusés dans un bloc de rocher taillé se rencontrent un peu partout : à Berzin de Torgnon, à Crétaz de Perloz, à Ronginez et à Pillaz de Fontainemore. C'est surtout en Basse Vallée qu'on les trouve le plus souvent à l'angle des villages ou des hameaux et ils rappellent l'habileté, l'amour du travail bien fait et la patience des tailleurs de pierre qui y habitaient. Ces fontaines pourtant n'ont rien de prestigieux par rapport aux longs bassins en dalles de pierre qui jalonnaient les chemins de certaines communes. Chaque hameau de Valpelline, par exemple, possède depuis la moitié du XVIIIe siècle une superbe fontaine en pierre, gravée d'initiales, celles du riche personnage, illustre alors - mais presque oublié aujourd'hui - qui, avec paternalisme, avait voulu offrir à sa communauté d'origine de beaux bassins d'eau potable et des lavoirs particulièrement élégants et pratiques : I.P.G., Jean-Pantaléon Gachet du Quemet.
Lansenere (Issime) : une ancienne fontaine monolithique.On trouve ce modèle dans de nombreux villages et dans les bourgs de la vallée centrale, où les habitants se sont groupés pour doter leur place d'une ou plusieurs vasques alignées. Chaque bassin remplissait alors une fonction particulière : fontaine, lavoir, abreuvoir pour les animaux. On ne trouve une place avec fontaine centrale que dans les villages les plus importants, non loin de la chapelle, de la laiterie tournaire ou du four. Ce lieu de rassemblement était situé au point de rencontre de plusieurs ruelles, dans un endroit bien ensoleillé, comme à Pilaz de Brusson, à Lignod d'Ayas, à Tilly de Challand-Saint-Victor, à Blavy de Nus ou encore à Lillaz de Cogne. Lorsque les vasques étaient multiples, la première était toujours réservée au bétail et à l'eau propre pour la maison. A la cuisine, l'eau potable occupait un emplacement fixe dans le mobilier traditionnel. On la conservait dans un seau muni d'une potse, une louche, posée ou suspendue à côté. Tout près se trouvait le seau d'eau moins propre, le tout sur un banc ou un meuble bas situé non loin de la cheminée ou du fourneau. A l'extérieur, près de la fontaine, le second bassin était le lavoir. Les blanchisseuses y frottaient et battaient le linge avec vigueur, mais on y faisait aussi parfois la vaisselle s'il n'était pas trop éloigné de la maison. Même à l'heure de la lessiveuse électrique, par beau temps, beaucoup de femmes en montagne apprécient encore de laver le linge à la fontaine, certains vêtements particulièrement sales ou ceux en laine. Le troisième bassin servaient à laver les outils et tout ce qui était vraiment sale.
Après la dernière guerre, les communes ont organisé pour la première fois le remplacement systématique des anciens boueil en bois par de nouveaux bassins plus hygiéniques en béton armé, le dernier cri Roffino en matière d'équipement collectif. La plupart des belles fontaines en pierre ont heureusement alors été conservées, mais pas toutes, car l'arrivée de l'automobile les a reléguées dans les coins des parkings ou à la casse.
La tendance à vouloir à tout prix du neuf, sans se poser la question de sa réelle résistance au temps, a parfois dominé la situation. Là où la population était dispersée en de multiples hameaux, les maisons habitées ont alors été dotées presque toutes de bassins en ciment. La patine du temps les a petit à petit intégrés aux vieux murs des maisons anciennes, mais, maintenant, la plupart de ces bassins monoblocs se sont fendus et ils perdent. Il faut donc les remplacer à leur tour !
Aujourd'hui, la situation économique des communautés rurales a bien évolué et l'on peut se permettre de rendre hommage à la pierre en faisant construire de grandes vasques de dalles épaisses et bouchardées, équipées d'une colonne monolithe, la tseuvra, et parfois d'un trottoir qui fait office de piédestal. Dans les localités où l'agriculture et l'élevage sont encore à l'honneur, il n'y a pas de doute, ces fontaines seront utiles à ceux qui habitent sur place comme à ceux qui passent. Elles vivront au rythme de la tradition. Espérons que c'est pour longtemps encore !

   
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