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Un programme d’éducation à l’équilibre de vie
à l’école maternelle

L’éducation à la santé, source de bien-être dejà à la maternelle, nécessite la participation active des parents et un solide projet éducatif élaboré au sein d’une équipe formée d’enseignants et d’intervenants spécialisés de la Protection Maternelle et Infantile et du Comité d’Éducation pour la Santé, extérieurs à l’école.

L’école maternelle a un rôle essentiel à jouer en matière d’éducation à la santé. S’il est vrai que cette responsabilité relève d’abord des familles et de l’action publique en matière de santé, l’école, de par sa mission d’éducation, participe à la construction de la personne en préparant les jeunes enfants à s’accomplir dans leur vie, en leur donnant des repères et, enfin, en les aidant à choisir des comportements qui préservent leur santé dans le respect de soi, des autres et de l’environnement.Dans le projet d’éducation à l’hygiène de vie, présenté ici, dont les ambitions dépassent le cadre des enseignements, se sont engagés l’ensemble des équipes éducatives, les enseignants, les parents et les services tels que la Protection Maternelle et Infantile (PMI) et le Comité Départemental d’Éducation pour la Santé (CODÉS), afin de contribuer à renforcer chez les enfants les compétences personnelles et relationnelles requises pour gérer et développer leur santé. Sans vouloir interférer sur le rôle joué par les parents, il semble important de les soutenir dans cette fonction éducative et de les aider à poser les repères et les règles propres à leur vie familiale et sociale.
L’approche méthodologique mise en place par le CODÉS met l’accent sur la participation active de la population et l’associe à toutes les étapes de la démarche éducative. L’implication de toute la communauté pédagogique et la collaboration avec les professionnels extérieurs à l’établissement, aux compétences diverses et complémentaires, est nécessaire et indispensable.
Par ma fonction, d’éducatrice de santé et de technicienne en économie sociale et familiale, en tant qu’intervenante extérieure à l’école, membre du Comité Départemental d’Éducation pour la Santé des Bouches-du-Rhône (CODÉS), j’ai été chargée de coordonner les actions d’éducation à la santé dans neuf écoles maternelles du secteur d’Aix-en-Provence, en concertation avec les équipes de médecins et d’infirmières de la Protection Maternelle et Infantile (PMI), tout au long de l’année scolaire 1999 – 2000.
La sélection des écoles maternelles dans lesquelles réaliser le projet a été réalisée en privilégiant les écoles situées en Zones d’Éducation Prioritaire (ZEP). La campagne s’est déroulée dans 26 écoles au total, c’est-à-dire : 64 classes de petite, moyenne et grande sections de maternelle touchant 1622 élèves et 945 familles, au cours de 117 réunions et représentant 1023 heures d’intervention.
L’action d’éducation à la santé à l’école maternelle s’est déroulée tout au long de l’année scolaire en fonction des besoins et attentes identifiés en matière de santé, afin de répondre au mieux aux exigences du milieu, aux habitudes de vie, aux habitudes culturelles familiales, aux intérêts et préoccupations des enfants. De plus, dans le cadre du soutien à la fonction parentale, ce projet a fait une large place à la réflexion et à l’information des familles (groupe de parole, “ coin de parents ”), rencontres thématiques.
Les objectifs poursuivis ont été les suivants :
- sensibiliser, éveiller, inciter l’enfant à trouver ses propres ressources pour développer sa capacité à prendre en charge sa santé ;
- l’amener à adopter des comportements favorables à son propre bien-être social, physique et mental ;
- renfoncer et accompagner les familles dans leur fonction parentale.
L’équipe a défini différents objectifs opérationnels :
- associer tous les membres de la communauté éducative, enseignants et personnels de santé, selon leurs compétences respectives;
- impliquer les parents et les amener à mettre en pratique ce projet d’action ;
- initier un partenariat relais entre les enseignants, les familles et les équipes de PMI ;
- valoriser les pratiques familiales, culturelles et éducatives des familles.
Au préalable de toute intervention auprès des enfants, plusieurs rencontres ont permis d’élaborer le programme spécifique à l’école :
• Prise de contact et détermination du protocole avec l’équipe PMI.
• Concertation avec l’équipe PMI, les enseignants et , si possible, les Agents territoriaux de service des écoles maternelles (ATSEM), pour présenter la méthodologie et, dans une première étape, identifier les problèmes en matière de santé et d’hygiène de vie des élèves repérés par les équipes (observation externe).
• Réflexion avec les parents :
- pour une observation interne des besoins permettant de connaître l’environnement géographique, culturel et social des familles, leurs préoccupations, leurs difficultés en matière de santé et d’équilibre de vie ;
- pour fixer des objectifs atteignables à l’école et à la maison ;
- pour compléter un programme déjà ébauché par les équipes éducatives et de santé.
Le programme défini a pu alors se dérouler dans les classes à raison d’une intervention tous les 15 jours, soit 10 à 12 interventions sur l’année. Des réunions avec l’équipe éducative (parents, enseignants, PMI, CODÉS) ont été proposées tout au long de l’année et ont permis d’adapter les outils et de mesurer les réactions engendrées par l’action, notamment dans les familles.
Les rencontres programmées avec les parents ont pris différentes formes : rencontres-débats thématiques ; “ coin des parents ” ; petits déjeuners parents-enfants ; kermesse rallyes-santé ; groupes de paroles animés par une psychologue.
Les besoins exprimés par les équipes éducatives ont concerné les rythmes de vie du petit enfant (sommeil, alimentation, hygiène). Les préoccupations parentales d’éducation, la violence et l’agressivité chez l’enfant ont été les problématiques retenues par l’ensemble des équipes éducatives.

 

Etre en forme c’est :
- ... c’est avoir bien dormi !
- ... c’est être fort !
- ... c’est jouer !
- ... c’est être bien dans sa peau ;
- ... c’est être heureux !

Pourquoi prends-tu un petit déjeuner ?
- pour être en forme ;
- pour grandir en buvant le lait et pour avoir des forces avec les tartines ;
- pour ne pas avoir faim.

Pourquoi le matin, il t’arrive de ne pas prendre ton petit déjeuner ?
- parce que je n’ai pas le temps, je suis en retard ;
- parce que je n’ai pas faim.

Le sommeil : qu’est-ce qui te permet de bien t’endormir ?
- le câlin de maman ;
- ma sucette ou mon pouce ;
- mon doudou ;
- l’histoire racontée.

Qu’est-ce qui t’empêche de dormir ?
- le bruit (télé, les disputes des voisins) ;
- la lumière ;
- les voitures ;
- la peur du cauchemar ;
- la peur de l’obscurité ;
- les films d’horreur (“Scream”, “Buffy”).

L’hygiène : pourquoi faut-il faire sa toilette ?
- ... pour sentir bon ;
- ... pour enlever les microbes.

Pourquoi aimes-tu te laver ?
- ... pour jouer dans le bain ;
- ... j’aime l’eau ;
- ... j’aime me sentir propre.

Pourquoi n’aimes-tu pas te laver ?
- ... il fait froid ;
- ... je préfère jouer dans ma chambre ;
- ... je préfère regarder la télé.

L’hygiène bucco-dentaire - tu te laves les dents pour :
- ... empêcher les microbes de faire des trous.


Le programme mis en place auprès des enfants

Dans chaque classe, il s’est agi d’amener les enfants à découvrir un équilibre de vie comprenant des comportements suscitant un bien-être mental, social et physique :
l’équilibre alimentaire avec trois priorités :
- la lutte contre le grignotage, en évitant les produits trop sucrés (brioches, galettes, bonbons, gâteaux, boissons gazeuses sucrées, sirops), les produits salés et gras (cacahuètes, chips, galettes apéritifs) ;
- l’équilibre et la variété du petit déjeuner, premier repas de la journée, avec la valorisation du pain et des céréales, des produits laitiers, des fruits et de l’eau. Des petits déjeuners et des goûters équilibrés réalisés par les enfants (ateliers tartines, cuisine) ont été régulièrement organisés avec le concours de parents ; enfin il y a eu une prise de conscience réelle de l’intérêt de consommer des aliments de trois groupes pour grandir et avoir des forces ;
- la valorisation de boissons “santé”, la prise de conscience du rôle essentiel de l’eau, l’accessibilité de l’eau à l’école dans de bonnes conditions d’hygiène et pour les plus jeunes, l’abandon du biberon de lait sucré pour s’endormir au profit du biberon d’eau (prévention des caries) ;
l’hygiène corporelle en insistant : sur le plaisir de se sentir propre ; sur la propreté des mains (lavage, brossage des ongles aux moments adéquats) ; sur la toilette complète et quotidienne avec eau et savon ; sur le danger d’une utilisation abusive de cotons-tiges ; sur l’hygiène bucco-dentaire avec un brossage minimum le soir (pour les dents de lait également) ; une brosse à dents personnelle et en bon état (à chacun sa brosse à dents), une visite régulière chez le dentiste et, dans le cadre de la prévention des caries, la prise de conscience de la très grande quantité de sucre contenu dans les fantas et autres jus de fruits confectionnés. La distribution de brosses à dents à chaque enfant les a incité à se les brosser régulièrement ;
les rythmes de vie et le sommeil en apprenant aux enfants : à aimer et à respecter leur sommeil (“ quand on dort, on grandit et on rêve ”) ; à reconnaître les moments de fatigue, les signes ainsi que les bonnes conditions d’endormissement ; à éviter les boissons excitantes avant de se coucher, en particulier le Coca-Cola dont la consommation est de plus en plus importante dans les familles en grande précarité, boisson qui gène et retarde l’endormissement.
Tous ces thèmes ont permis de présenter la santé dans une globalité de comportements et en utilisant une marionnette
“ Mimi la forme ”, fil conducteur des secrets de la santé. Manipulations ludiques, jeux, histoires, ateliers pratiques, ont été les outils utilisés.
Le module qui concernait la partie du programme axée sur la connaissance, le respect de son corps et l’expression du ressenti - expérimenté en grande section les années précédentes - n’a été réalisé qu’à la demande d’une équipe éducative motivée. Car bien qu’il ait été effectué à la demande des enseignants et de certaines équipes PMI, malgré l’intérêt suscité, il a fallu, à chaque fois, le positionner au niveau de la prévention et du suivi possible de l’équipe éducative et médicale puisqu’il a souvent fait émerger des révélations auxquelles il fallait apporter des réponses adaptées.

Les familles associées au programme

Dans tous les établissements, les familles ont été associées à l’élaboration du programme des enfants suivant le protocole méthodologique.
Au cours de la première rencontre, les préoccupations exprimées le plus souvent par les parents des jeunes enfants ont concerné d’abord le sommeil. Ils se sont posé des questions sur les cauchemars, l’énurésie, les difficultés d’endormissement. Les parents se sont questionnés et ont sollicité des informations précises, ainsi qu’une demande de soutien. Ils ont affronté le problème de la consommation de la TV par les enfants. L’équilibre alimentaire a été un autre souci des parents. Il ont exprimé un besoin de connaissance sur l’équilibre alimentaire et se sont interrogé face à certains comportements chez leurs jeunes enfants. Ils se sont demandé aussi comment les aider à grandir ? Des questions liées au développement psychologique du jeune enfant mais aussi des questions sur l’attitude à avoir envers les petits en cas de deuil, de conflits, de divorce, ou même de déménagement, ont mis en évidence les problématiques auxquelles sont confrontés les parents.
L’échange et l’écoute des difficultés rencontrées par d’autres parents ont semblé être le point commun de ces rencontres et ont permis de créer des liens entre les familles.
Les moyens utilisés pour dynamiser ces rencontres ont été variés. Cela a pu quelquefois se réaliser sous forme d’invitations à partager un petit déjeuner. Le côté convivial de cette méthode a favorisé la communication et la mise en confiance.
Dans le cadre d’une approche communautaire du programme régional de santé des enfants et des jeunes, une fois par semaine, un “ coin des parents ” a été mis en place, de 8h30 à 9h30, durant le temps d’accueil en maternelle. Les parents, s’ils le désiraient, autour d’un café, dans un espace calme, se rencontraient, échangeaient leurs préoccupations du moment, proposaient des thèmes de réflexion. La parole circulait grâce à l’animatrice qui synthétisait les connaissances amenées par les parents. Les thèmes abordés cette année ont été : la mort, la jalousie entre frère et sœur, l’alimentation, le petit déjeuner, les comportements, les punitions, les colonies de vacances, les différents moyens de corriger les enfants, la fessée, sa légitimité, les problèmes de voisinage, l’hygiène dans les immeubles, les enfants et l’école, odeurs et saveurs des aliments en France, dans leurs pays d’origine (Maroc, Algérie, Comores), leur enfance, leur pays, leur mariage, leur sexualité, leur vie de femme. Cette permanence de l’écoute et la qualité des échanges entre femmes ont instauré un climat de confiance qui a amené plusieurs groupes à livrer et à raconter leurs parcours et leurs vies de femmes.
Cela a pu aussi prendre la forme d’une kermesse santé avec les familles. Parfois ont été préférées des rencontres débat sur l’alimentation et le sommeil. D’autres fois l’intervention de professionnels de la santé, comme le psychologue scolaire ou celui du CODÈS, a été choisie. L’éducateur de jeunes enfants a permis, alors, d’aborder les questions liées au développement psychologique de l’enfant et aux relations parents/enfants.
La présence du médecin de la Protection Maternelle et Infantile à toutes ces rencontres a rassuré et encouragé les familles à être actrices de leur santé. L’avis du médecin expert s’est révélé indispensable et a été apprécié.
Quelques parents ont participé activement aux animations dans leurs domaines de compétence : une maman dentiste est venue en classe; un père boulanger a pétri le pain du petit déjeuner à l’école, etc.

Les résultats de l’action

Très concrètement et de façon positive, la démarche méthodologique a favorisé un travail d’équipe, a posé les problèmes d’organisation de l’école liés au rythme de vie du jeune enfant et a amélioré la concertation avec les enseignants et les familles.
Les rencontres avec les parents ont permis de conforter leurs repères familiaux.
Tout au long de l’année, ces lieux d’échanges ont favorisé l’expression des difficultés rencontrées au quotidien, ont rassuré et ont soutenu la fonction parentale.
Les messages transmis par les enfants se sont concrétisés par un brossage de dents facilité, la mise en garde sur l’utilisation du coton-tige. La “ fleur des aliments ” a aidé les parents à expliquer l’équilibre alimentaire aux enfants. Des connaissances ont été partagées (enfants vers les parents) sur le sommeil et l’alimentation. Les enfants ont amené leur entourage a prendre un petit déjeuner plus complet, plus varié et en famille. L’ensemble de la famille a pris conscience de l’importance de l’équilibre de vie.
Certains parents reconnaissent ne pas avoir introduit de changement mais ont déclaré que les rencontres ont conforté des acquis déjà existants.
La totalité des enseignants ont admis que le programme proposé par le CODÉS, la méthode pédagogique, le rythme et la durée des animations ont été bien adaptés au niveau des élèves.
Ils ont également reconnu que le caractère événementiel de l’intervention réalisée par une personne extérieure, a renforcé l’importance de l’action auprès des enfants et des familles, que le contenu des animations a enrichi les connaissances des enseignants sur l’hygiène de vie et les méthodes pédagogiques utilisées. De plus, l’introduction de cette méthodologie a permis de mieux cerner les difficultés spécifiques à un environnement social.
En ce qui concerne les comportements, les enseignants ont observé quelques réactions de la part des élèves à propos d’éventuels changements :
- une modification de la composition du petit déjeuner : plus équilibré, plus fréquent, plus varié ;
- l’intérêt des familles aux interventions du CODÉS ;
- des lavages de mains plus efficaces et plus fréquents ;
- des conversations surprises dans les cours de récréation sur ce qui est bon pour la santé.

Enfin, parler avec les enfants des habitudes de vie qui rythment le quotidien, est source d’intérêt et d’enthousiasme. Cela permet à l’élève de se sentir reconnu comme un enfant dans une famille. Le temps d’écoute et de parole libre et sans jugement favorise généralement l’épanouissement de l’expression. Certains enfants timides en classe se révèlent être expressifs sur le temps de l’intervention. Les connaissances apportées sont, dans 95% des cas, comprises, retenues et bien assimilées. Elles sont mises en pratiques par la plupart des enfants (hygiène corporelle, buccodentaire, petit déjeuner).


Odile Ayméric
Technicienne en économie sociale et familiale, éducatrice de santé dans les écoles maternelles dans le cadre du Comité Départemental d’Éducation pour la Santé des Bouches-du-Rhône.

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