Mont Rose
Dans le bâtiment de la laiterie de Donnas on a découvert des témoignages historiques et culturels inhérents à la présence séculaire d’une Confrérie du Saint-Esprit, dont l’action de bienfaisance s’est poursuivie presque jusqu’à notre époque
L’ECOMUSÉE DE TREBY
di ILDA DALLE*, FULVIO VERGNANI* E ANNA VUILLERMOZ*
La laiterie de Tréby

La laiterie de TrébyA Donnas, l’édifice qui a abrité la laiterie tournaire du hameau de Tréby, de 1897 à 1980, a été récemment restauré. Ses locaux ont été utilisés jusqu’à il y a trente ans environ et tout le mobilier, ainsi que les ustensiles servant à la collecte du lait et à sa transformation en fromage, de même que la documentation et les registres de la société, y sont encore conservés. Transformé en écomusée en 2008, ce bâtiment offre un intéressant témoignage de l’époque où, dans le village, l’élevage était encore une activité courante et la production de lait, de fromage et de beurre, une source de revenu pour la population.

La Confrérie du Saint-Esprit

Les confrères en 1922L’écomusée de Tréby n’est cependant pas uniquement lié au passé rural de Donnas : en effet, dans le bâtiment de la laiterie, on a également découvert des témoignages historiques et culturels encore plus intéressants, inhérents à la présence séculaire d’une Confrérie du Saint-Esprit, dont l’action de bienfaisance s’est poursuivie presque jusqu’à notre époque.
Ainsi, la très belle salle entièrement décorée de fresques attenante aux locaux de la laiterie révèle les traces de l’activité des confrères du Saint- Esprit, qui y installèrent leur siège et y oeuvrèrent jusqu’à la veille de la Seconde guerre mondiale.

C’est-là un cas probablement unique, car les Confréries du Saint-Esprit, présentes et très actives en Vallée d’Aoste dès le XIIe siècle dans de nombreuses paroisses du diocèse, déclinèrent après des siècles d’activité fl orissante à partir du XVIIe siècle et fi nirent par être presque toutes supprimées à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, à la suite des décrets de l’évêque Pierre-François de Sales. Elles cessèrent leur activité et destinèrent principalement leurs biens à la création d’écoles rurales.
Ce fut le cas au hameau de Tréby, où était installé l’un des plus ancien siège de la Confrérie en Vallée d’Aoste, si l’on en croit la date de 1012 inscrite bien visiblement dans la salle dudit siège.

Comme le montrent les documents conservés aux Archives du Diocèse d’Aoste, le décret de suppression de la Confrérie du Saint-Esprit de Donnas a été promulgué le 19 juillet 1776, pour satisfaire, comme cela s’était déjà passé ailleurs en Vallée d’Aoste, le désir de la population et des confrères – désir déjà exprimé dans plusieurs pétitions envoyées à l’autorité ecclésiastique – de mieux utiliser les rentes de la Confrérie et, en l’occurrence, de les consacrer à l’éducation des fi lles, pour lesquelles il n’existait alors aucune école à Donnas.

Au cours des années qui suivirent, le bâtiment de la Confrérie fut géré par une congrégation de charité instituée à Donnas, dont les conseillers étaient nommés par la Commune, puis destiné à accueillir la laiterie tournaire de Tréby en 1897, avant d’être fi nalement vendu à cette dernière, en mai 1902.

L’activité de la Confrérie au XXe siècle

L’activité de la Confrérie du Saint-Esprit à Tréby n’était pas terminée pour autant : la célébration de la Pentecôte, clou de l’activité des confrères avec sa distribution gratuite de soupe, y avait toujours lieu et chaque année, de nouveaux confrères s’occupaient de l’entretien du bâtiment, de son mobilier et des objets de propriété commune, ainsi que de l’embellissement de la salle de la Confrérie, qui resta réservée aux réunions et aux banquets, même quand les autres pièces furent aménagées en laiterie.

La quête des confrères

Selon les témoignages collectés, l’activité de la Confrérie durant la première moitié du XXe siècle fut intense et laborieuse. Le travail des trois confrères, choisis chaque année parmi les habitants de la paroisse de Saint-Pierre-aux-liens, commençait le dimanche suivant la Pentecôte, quand les confrères sortants leur passaient le relais.
La collecte de tout ce qui était nécessaire à la fête débutait habituellement en novembre, pendant la période du vin nouveau, et se poursuivait jusqu’au battage des châtaignes et à l’abattage du cochon.
Les confrères rendaient visite aux familles et revenaient avec des outres en peau de chèvre remplies de vin, avec des châtaignes séchées, des haricots, du lard, des saucissons, du beurre fondu et autres denrées pouvant être conservées.
Le fruit de cette collecte servait tant à la préparation du sepéi – soupe de châtaignes distribuée à la population le matin de la Pentecôte – qu’à celle du déjeuner destiné aux confrères, au prêtre, au sacristain et à tous ceux qui avaient offert au moins dix litres de vin. Ce vin était en partie conservé et en partie vendu, pour rassembler de l’argent en vue de l’organisation de la fête.

Le sepéi

La préparation du sepéi, la soupe de châtaignes distribuée à la population, commençait la veille. Ce soir-là, on ne travaillait pas le lait à la laiterie et les membres de la Confrérie apportaient la quantité nécessaire à la préparation de la soupe. Ils fournissaient aussi le bois pour allumer un feu sous le gros chaudron de 600 litres. Les châtaignes cuisaient à feu doux pendant toute la nuit, dans de l’eau, puis dans le lait, et étaient agrémentées de couenne de porc, de lard et de saucisson. A la fin de la cuisson, on ajoutait du riz, offert par les commerçants du village.
C’était donc une nuit de travail et de fête. Au matin, l’on distribuait la soupe et le chaudron se vidait rapidement. Les grosses quantités et la lenteur de la cuisson donnait à cette soupe un goût délicieux.

Le déjeuner de la Pentecôte

A la fi n de la messe, célébrée en l’église paroissiale Saint-Pierreaux- liens, le prêtre et tous ceux qui avaient le droit de participer à la fête se réunissaient dans la salle où la cuisinière, connue dans le village pour son talent, avait préparé un repas spécial à base de risotto, de raviolis et de viande de chevreau.
La journée se poursuivait gaiement et, les derniers temps, elle se terminait par une belle photo de groupe. Ces photos, tout comme les nappes et la vaisselle utilisées pour le repas, sont soigneusement conservées dans les armoires et les coffres de la laiterie.

Peintures et photographies

Peintures dans la confrérie.La coutume voulait que les trois confrères laissent un souvenir d’eux dans les locaux de la Confrérie. La restauration des peintures décorant le plafond et les parois, longtemps abîmées par la fumée et l’humidité, leur a restitué à celles-ci leur lisibilité d’antan et a permis d’en identifi er la date d’exécution, ainsi que le nom des commettants et celui du peintre et de mettre en évidence de nombreuses devises, comme « Un même amour nous unit », « Un même espoir nous encourage », « L’union fait la force » ou « Soyons-nous fidèles ».
Les dates de ces peintures s’échelonnent entre 1878 et 1905. D’autres, plus anciennes, sont présentes à l’intérieur et à l’extérieur de la laiterie. Avec l’apparition de la photographie, à la fin du XIXe siècle, les confrères commencèrent à se rendre à Ivrée, ou à Pont-Saint-Martin, pour poser devant l’objectif au lieu de faire réaliser des fresques.

Les micole

Peintures dans la confrérieEnfin, il revenait aux confrères de faire bénir les micole, le dimanche suivant la Pentecôte. Ces petits pains de seigle étaient distribués à tous ceux qui avaient participé à la collecte, les semaines suivant la célébration ; de gros paniers d’osier munis d’un couvercle servaient à leur transport.
Ces pains étaient conservés avec soin, car l’on croyait qu’ils protégeraient la maison et la campagne des dommages causés par le mauvais temps. En cas de tempête, chacun se hâtait de brûler dans son poêle quelques miettes de micola avec des fl eurs de millepertuis bénies le jour de la Saint- Jean-Baptiste et quelques feuilles arrachées au rameau béni le dimanche des Rameaux : selon la tradition, la fumée qui s’élevait avait le pouvoir d’éloigner les nuages. Lorsqu’en été, l’on montait au mayen ou à l’alpage, l’on avait soin d’emporter une micoula car, si par malheur il arrivait quelque chose et que l’on ne pouvait recevoir l’extrême-onction, celle-ci pouvait servir de viatique. L’on pensait aussi qu’elle pouvait soigner les vaches malades.
L’attachement à la fête traditionnelle de la Pentecôte et la conviction de pouvoir conjurer, avec la distribution du sepéi, les calamités naturelles qui pouvaient menacer le pays, furent au nombre des motivations qui permirent à l’activité des confrères de durer dans le temps. Il faut ajouter à cela le fait que les personnes qui s’engageaient à organiser la fête en retiraient une grande fi erté et une sorte de distinction sociale.
 

Ouverture du musée
Du 15 mars au 15 octobre, le dimanche après-midi, de 14 h à 18 h.
Sur réservation les autres jours. Entrée libre.

Informations
Bibliothèque +39 0125 806508 – Commune +39 0125 804728

Publications
Bulletin n° 11 de la bibliothèque communale de Donnas
« La Confrérie du Saint-Esprit à Tréby et à Vert ».


*
- Ilda Dalle, chargée de la gestion de la bibliothèque;
- Fulvio Vergnani, bibliothécaire à Donnas;
- Anna Vuillermoz, chargée de la gestion de la bibliothèque.
   
Pagina a cura dell'Assessorato territorio, ambiente e opere pubbliche © 2024 Regione Autonoma Valle d'Aosta
Condizioni di utilizzo | Crediti | Contatti | Segnala un errore